2013_avril

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Le portrait à la figure féminine est discrètement daté au bas de l’image, 1795 et simplement signé : F G. Les deux portraits proviennent manifestement d’une seule main, même si l’aquarelle trahit quelques maladresses, pouvant témoigner du manque de maîtrise du procédé de la part de son auteur. D’ailleurs, ce portrait par un ami ne plait guère à son époux : « Ses cheveux seuls sont ressemblants car la figure qu’on lui a faite a 40 ans et un air de dureté qui n’est pas à elle : ce portrait vous donnera une idée de sa tournure. C’est un ami qui l’a fait et il n’est pas très bien ».

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Le portrait en silhouette, rehaussé à la gouache brune et grise, semble se rattacher aux portraits de F. G. Sideau (ou Sidow), graveur de silhouettes et dessinateur, rassemblés dans un ouvrage publié à Saint-Pétersbourg en 1899, La cour de Catherine II, ses collaborateurs et son entourage, cent quatre-vingt-neuf silhouettes (suivre ce lien : http://archive.org/stream/courdelimpratri00kruggoog#page/n0/mode/2up). Le dessin du profil, la césure distinguant le bras et le buste à la base de l’image, avec le volume amplifié de la chevelure au sommet de la tête, observés sur les silhouettes, constituent, outre la technique utilisée et les initiales tracées sur l’aquarelle, des éléments de style propres à servir de référence aux petits portraits « blésois ».

Si les portraits d’ombre existent depuis l’Antiquité, la vogue du portrait à l’encre noire ou papier découpé se répand au XVIIe et au XVIIIe siècle en France, en Angleterre, Europe du Nord et de l’Est. Si sa fortune est moins vive en France, c’est un Français, Etienne de Silhouette, contrôleur général des Finances sous Louis XV, qui laisse son nom au procédé.

Frédéric George Sideau est l’élève de Jean-Daniel Huber, fils de Jean Huber (dit aussi Jean Huber-Voltaire car il fait partie du cercle rapproché de Voltaire), peintres et graveurs, actif à Genève et à Saint-Pétersbourg entre 1782 et 1784. Il réside à Mitau (ancien nom de la ville de Jelgava en Lettonie) en 1786. Les silhouettes des membres de la famille impériale de Russie et de la noblesse sont conservées avec ses œuvres au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg et au musée d’histoire de Moscou. Un autre dessin connu de Frédéric George Sideau dans les collections du musée national des châteaux de Versailles et du Trianon, Le comte Louis-Philippe de Ségur représenté dans son cabinet de travail de son ambassade à Saint-Pétersbourg en 1785, à l’encre de Chine, lavis, pierre noire, encre grise, avec des rehauts de gouache blanche et de lavis gris, constitue l’une des seules œuvres, peut-être la seule, de l’artiste recensées jusqu’à présent en France.

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Transcription

 

En cantonnement près Wetzlar ce 19 janvier 1797

(naissance de Charles)

Enfin ma chère amie votre lettre m’est parvenue. Je dis enfin car j’avois beau vous écrire et une seule de mes lettres vous est parvenue. Mad[am]e de Laizer m’a aussi souvent écrit pour me demander de vos nouvelles mais seulement deux des siennes me sont parvenues et comme elle n’avoit prévenu que chaque port de lettre vous coutoit six francs de port, je ne me pressois pas trop de vous écrire. J’avois prié votre ami de Mayence de vous faire parvenir une de mes lettres en y mettant lui même l’adresse mais il y a à parier qu’elle n’a pas été plus heureuse que d’autres ; j’espère que celle cy vous parviendra plus surement car une de mes connoissances m’a promis de la faire parvenir par la correspondance de l’envoyé russe auprès des cercles de Suabe et du faict apprécié : je vais même prier cette connoissance de vous écrire un mot pour vous donner la facilité de me répondre par le même moyen et j’espère qu’une fois cette correspondance r[é]tablie je pourrai avoir le plaisir d’avoir souvent de vos nouvelles. Dans tous les cas mon adresse, ou pour mieux dire celle de ma femme est à Francfort chez Mme la veuve Ramadier, Schnurgasse : c’est chez cette dame qu’elle demeure quand je suis à l’armée

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Suite transcription

 

[...] et Mr Bascop scaura toujours bien me trouver, mais si nous pouvons avoir le premier moyen, il vaut toujours mieux sous tous les rapports.

Il y a eu quelque temps que j’ai eu des nouvelles d’Alexandrine. Plusieurs de ses lettres me manquent mais une m’est parvenue. Je scavois tous les détails que vous me donnez de ma famille mais ce que vous ne scavez vraisemblablement pas, c’est que mon cy devant beau-père est mort il y a à peu près trois mois. Elle ne donne point d’autre détail mais ce que je ne connois pas, c’est qu’il ait déjà trois enfants, il faut qu’il ait pris de longues avances.

Ma femme est à présent ici. Elle est venue me trouver dans mon cantonnement qui n’est nullement agréable et sa mère l’y a suivie. Je voudrois  que vous les connussiez et je ne doute pas que vous ne les aimiez beaucoup. Vous scavez qu’elle vient d’accoucher de son premier enfant qui a à présent deux mois. Il est né le 4 novembre et sa pauvre mère a eu des couches longues et douloureuses : elle commence à se remettre. Elle a un garçon qui vous appellera ma tante et qui, je ne doute pas, vous aimera bien : dans une de mes lettres, je priois votre mari de me faire l’amitié d’être son parrein avec Mme de Leuze et quoique je n’aye pas eu de réponse, elle n’a pas voulu en avoir d’autre pour compère et je n’ai pas hésité ne doutant pas qu’il ne me fit l’amitié d’accepter ma proposition. Comme vous ne pouviez être maraine du premier j’ai pris votre mari qui j’espère acceptera mes remerciements ainsi que les compliments de ma belle-mère. J’espère ma chère amie que vous ne serez pas trop pressée d’avoir votre tour car ma femme a été si mal que je craindrois beaucoup pour elle si cela arrivoit trop tôt. Je veux joindre à ma lettre un portrait d’elle qui n’est cependant pas elle. Ses cheveux seuls sont ressemblants car la figure qu’on lui a faite a 40 ans et un air de dureté qui n’est pas à elle : ce portrait vous donnera une idée de sa tournure. C’est un ami qui l’a fait et il n’est pas très bien. Il faudra que je le vole pour vous l’envoyer car il est dans sa cassette. Quand nous serons rentrés chez nous, j’espère qu’alors je vous en envoyerai un autre plus fidel : notre enfant est très grand et très fort pour son  âge mais ma belle-mère est désolée qu’il ait mes yeux, il est vrai qu’il eut beaucoup mieux fait de prendre ceux de sa mère. Je console ses grands parents en les assurant qu’à deux mois il n’est pas très décidé si un enfant aura des yeux bleus ou noirs. J’ai été très peiné des détails que j’ai eu de la perte de mes malheureuses [...]

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Fin transcription

 

parentes, leur triste fin m’a beaucoup peiné. Aussitôt qu’Alexandrine m’aura donné quelques détails, je vous en ferai part.

            Mon pauvre cousin ne va donc pas bien. Je désire bien sincèrement que ses projets réussissent, faites-lui mes tendres compliments. J’ai perdu de vue Palaiseau, il étoit de la connaissance de la baronne de Leuze mais toutes ces retraites me l’ont fait perdre de vue. Notre  rég[imen]t n’est plus ce qu’il étoit, chacun a tiré de son côté. Le colonel va être fait général. Le major est passé dans un corps anglois comme colonel. Enfin de tous les officiers qui ne sont point de fortune, il ne nous reste que Desmarez, Mareil, Vaugeu, Kueller, même Turlot et ce dernier n’attend qu’une réponse de sa mère pour donner sa démission. Le pauvre Bitch a été tué d’un boulet de canon dans l’avant dernière affairre où nous nous sommes trouvés près de Limburg : c’étoit le baron d’Ipeth qui nous commandoit son désir d’acquérir de la gloire, nous a fait perdre cet honnête homme : la retraite que nous avons fait jusque sur les frontières de la Bohême a fait déserter une grande quantité de nos cavaliers : mais ce qui nous a un peu vengé, c’est que les Français qui leurs avoient promis leur pardon les ont arrêtés et conduit en France pour y être jugés. Les trois frères Ress sont aussi désertés mais il y a près de 18 mois : tous sont dans des corps anglais ou je leur souhaite beaucoup de bonheur. Ils ont embarqués.