Avril 2012

Histoire de l'abbaye de Selles-sur-Cher, page 1. FRAD041_30_H_32

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Transcription

 

Lettre de Guy XIIII du nom sire de Laval a ses mère et ayeule, dames de Laval et de Vitré, escrite a Celles en Berry le mercredy 8 juin mil quatre cens vingt neuf

Mes tres redoutées dames et mères,

Depuis que je vous escrivis de Ste Catherine de Fierbois vendredy dernier, j’arrivay samedy a Loches et allay voir Monseigneur le Dauphin au chastel a l’issue de vespres en l’eglise collegiale, qui est un tres bel et gracieux seigneur et tres bien formé, bien agile et habile, de l’aage d’environ sept ans qu’il doit avoir et illec vis ma cousine, la dame de La Trimouille qui me fit tres bonne chère, et comme on dit n’a pas plus de deux mois a porter son enfant.

Le dimanche, j’arivay a St-Aignan ou estoit le Roy et envoiay querir et venir de mon logis le sieur de Crèves [Trèves] et s’en alla au chastel avec luy mon oncle pour signifier au Roy que j’estois venu, et pour scavoir quand luy plairoit que allasse devers luy : et j’eu response que ie y allasse si tost qu’il me plairoit, et me fit tres bonne chère et me dit moult de bonnes paroles. Et quand il estoit allé par la chambre ou parlé a aucun autre, il se retournoit chacune fois devers moy, pour me mettre en paroles d’aucunes choses, et disoit que j’estois venu au besoin sans mander et qu’il m’en sçavoit meilleur gré. Et quand ie luy disois que ie n’avois pas amené telle compagnie que je desirois, il respondit qu’il suffisoit bien de ce que j’avois amené et que j’avois bien pouvoir d’en retrouver meilleur nombre. Et dit le sr de Crèves a sa maison au sieur de la Chapelle que le Roy et tous ceux d’environ luy avoient esté bien contents des personnes, de mon frère et de moy et que nous leur revenions bien et jura bien fort qu’il n’estoit pas mention que a un seul de ses amis et parents qu’il eust, il eust fait si bon accueil comme il disoit.

Et le lundy me partis pour venir a Celles en Berry a trois lieues de St Aignan et fit le Roy venir au devant de luy la Pucelle qui estoit auparavant à Celles. Disoient aucuns que ce avoit esté en ma faveur, pour ce que ie la visse, et fit laditte Pucelle tres bonne chère à mon frère et à moy, armée de touttes pièces sauve la teste et la lance à la main. Et après que fusmes descendus a Celles, j’allay a son logis la voir, et fit venir le vin, et me dit qu’elle m’en feroit bien tost boire a Paris. Et semble chose toute divine de son fait et de la voir et de l’oüir, et s’est partie le lundy aux vespres de Celles, pour aller a Romorantin, a quatre lieues en allant avant et approchant des ennemys, le

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mareschal de Boussac et grand nombre de gens arméz et de la commune avec elle. Et la veis monter a cheval armée tout en blanc sauf la teste, une petite hache en sa main sur un grand coursier noir qui a l’huis de son logis se demenoit tres fort et ne souffroit qu’elle montast et lors elle dit, « menez-le a la Croix », qui estoit devant l’eglise auprès du chemin. Et lors elle monta sans qu’il se meust, comme s’il fust lié, et lors se tourna vers l’huis de l’eglise qui estoit bien prochain et dit en assez voix de femme : « Vous, les prestres et gens d’eglise, faites procession et prières a Dieu ». Et lors se tourna a son chemin en disant, « Tirez avant, tirez avant », son estandart ployé que portoit un gracieux page et avoit sa hache petite en main. Et un sien frère qui est venu depuis huit jours partoit aussi avec elle tout armé en blanc.

Et arriva ce lundy a Celles Monsieur d’Alençon qui a tres grosse compagnie et ay aujourd’huy gaigné de luy a la paulme une convenance. Et n’est point encor icy venu mon frère de Vandosme. J’ai icy trouvé l’un des gentilshommes de mon frère de Chauvigny pour ce qu’il avoit desia ouy dire que j’estois arrivé a Ste Catherine et m’a dit qu’il avoit escrit aux nobles de ses terres, qu’il pense estre bien tost par deça, et dit que ma soeur estoit bien saine et plus grasse qu’elle n’a accoustumé. Et l’on dit icy que Mr le connestable vient avec six cens hommes d’armes et quatre cens hommes de trait et que Jean de la Roche vient aussi , et que le Roy n’eust jamais si grande compagnie qu’on espère estre icy, ne oncques gens n’allèrent de meilleure volonté en besogne, qu’ils vont a ceste. Et doit ce jour d’huy arriver icy mon cousin de Reths [Rais], et croist ma compagnie et quoy que ce soit ce qu’il y a, est bien honneste et d’appareil. Et y est le seigneur d’Argenton l’un des principaux gouverneurs qui me fait bien bon recueil et bonne chère, mais de l’argent n’y en a-t-il point a la court, que si estroittement, que pour le temps present ie n’y espère aucune ressource ny soustenue. Pour ce vous, madame ma mère qui avez mon sceau, n’espargnez point ma terre, ne par vente, ne par engage ou advisez plus convenable affaire là ou nos personnes sont a estre sauvéz ou audit defaut abbaisséz, et par adventure en voye de perir. Car si nous ne faisons ainsi, veu qu’il n’y a point de solde, nous demeurerons tout seuls. Jusques icy nostre fait a encore esté et est en bon honneur et a esté nostre

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venue au Roy et a ses gens tous et aussi aux autres seigneurs qui viennent de toutes parts bien agreable, et nous font tous meilleure chère que ne vous pourrions escrire.

La Pucelle m’a dit en son logis, comme ie la suis allé voir, que trois jours avant mon arrivée, elle avoit envoié a vous mon ayeule un bien petit anneau d’or mais que c’estoit bien petite chose, et qu’elle vous eust volontiers envoié mieux, consideré vostre recommandation. Ce jourd’huy monsieur d’Alençon, le Bastard d’Orleans et Mr de Gaucourt doivent partir de ce lieu de Celles, et aller apres la Pucelle, et avec eust fait bailler ie ne scay quelles lettres à mon cousin de La Tremoille et sieur de Crèves, par occasion desquelles le Roy s’efforce de me vouloir retenir avec luy jusques à ce que la Pucelle ait esté devant les places anglesches d’environ Orléans, ou on va mettre le siège et est désià l’artillerie pour noüs et ne s’esmaye point la Pucelle qu’elles ne soient tantost arrivées vers le Roy, disant que lors qu’il prendra son chemin à tirer avant vers Rheims que j’irais avec luy. Mais ja Dieu ne veuille que ie le face et que ie ne aille et que ie entre, autant en dit mon frère, et comme Mr d’Alençon, que l’abandonne, « qui seroit celuy qui demeureroit ? » et pense que le Roy partira ce jeudy d’icy pour s’y approcher plus près de l’ost, et viennent gens de toutes parts chacun jour, après vous feray sçavoir si tost qu’on aura aucune chose besognée, ce qui aura esté exécuté. Et espéré l’or qu’avant qu’il soit dix jours la chose soit bien avancée de costé ou d’autres. Mais tous ont si bonne esperance en Dieu que ie croy qu’il nous aidera. Mes très redoutées dames et mères nous recommandons mon frère et moy a vous le plus humblement que pourrons, et vous envoie des blancs signez de ma main, affin si bon vous semble an datte de cette présente escrire aucune chose du contenu cy dedans a Monsieur le Duc, luy en escrivez, car ie ne luy escris oncques puis, et vous plaise aussi sommairement nous escrire de vos nouvelles, Et vous Madame ma mere en quelle santé vous vous trouvez apres les médecines qu’avez prises, car i’en suis a tres grande malaise, et vous envoie dessus ces présentes, minute de mon testament affin que vous, mes mères, m’advertissiez par les prochainement venantes ce que vous semblera que i’y adjouste, et y pense encore de moy y adjouster entre deux, mais ie n’ay eu encore que peu de loisir. Mes très redoutées dames et meres, ie prie le benoist fils de Dieu qu’il vous doint

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bonne vie et longue, et vous recommandons aussi tous deux a nostre frère Louys, et pour le liseur des presentes que nous saluons le sieur de Baschet et nostre cousine sa fille, ma cousine de la Chappelle et toute vostre compagnie, et pour l’accez de solliciter de la chevance au mieux que faire se pourra, et n’avons plus en tout qu’environ trois cens escus du poids de France. Escrit à Celles le mercredy huitiesme jour de juin. Et ce vespres sont arrivez icy mon frere de Vendosme , Monsieur de Boussac et autres. Et La Hire s’est approché de l’ost et aussi on besognera bien tost Dieu veuille que ce soit a vostre desir.

Vos humbles fils Guy et André de Laval

Manoir de Laleu. Carte postale noir et blanc. AD 41, 6 Fi 55 / 47

La complainte de Jeanne d’Arc. AD 41, 210 PER 1894

Statue équestre de Jeanne d’Arc. Carte postale noir et blanc, [après 1921]. AD 41 6 Fi 18 / 647