• 25, 26 et 27 août 1915

    [25 août] Encore aujourd’hui – cette année – pas de foires ; seule la foire aux bestiaux a lieu.

    Ayant appris que le neveu de M. Richard, entrepreneur de couvertures à Chouzy-sur-Cisse, avait été grièvement blessé, j’ai écrit à ce brave homme pour lui manifester ma sympathie, car son neveu est un jeune homme très bien, très gentil, de conduite exemplaire. Je reçois de ce bon Richard la lettre suivante :

    « Chouzy le 23 août 1915

    Monsieur Legendre

    Je réponds à votre lettre que nous avons reçue et don vous nous parlez de notre cher blessé monsieur Legendre nous vous remercions bien des fois de la sympathie que vous avez pour luis ainsi que pour nous.

    Au momant que je vous écrit nous venon de recevoir une lettre de lui qu’ils à écrit lui-même quoique gravement blessé au ventre avec toutes les prières que nous avons fait pour lui ainsi que toutes les dames de Chouzy nous allons pouvoir le sauver de la.

    Quoique étant encore sur le front je pense que cela ne va pas demandé bien du temps pour que l’on puisse pouvoir l’évacuer. Vous pouvez croir monsieur Legendre que depuis huit jours aucune nouvelle de luis et tout les jours du monde à la maison pour avoir des nouvelles.

    Voila trois semaine qu’ils était en 1ère ligne de tranchée comme grenadier quinze jour appres il nous dit que un éclat de marmite lui a cassé sa pipe dans sa bouche, mais pas de mal, mais cette fois bien plus grave anfin avec laide de Dieu nous le sauveron puisque ils nous disai une bonne priaire dans les tranchées nous sauve la vie.

    Merci encore une fois monsieur Legendre de votre bonne lettre.

    Recevez monsieur Legendre de nous trois nos salutations les plus respectueuses.

    Votre tout dévoué : Richard. »

    Faire plaisir à de si braves gens est un vrai bonheur !

    Je vais ce soir aux Montils (aller par la forêt, retour par Seur et la forêt).

    De temps en temps, le soir, je vais au salut à la paroisse, pour la guerre.

     

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    Blois.- Les Grouëts.- La Croix Pasquier. Le carrefour.- 6 Fi 18/737. AD41

     

    [26 août] Ce matin je vais à l’hôtel Pasquier – aux Grouëts – par la rue de la Butte et le chemin haut, et je reviens par la Loire.

    Darras m’envoie 2 cartes représentant la maison où il est en convalescence à Villennes-sur-Seine, pour 3 mois, venant de Bordeaux. Il avait été envoyé là déjà, sur ma recommandation, venant de Chitenay.

    Mon bon Paul – le brave caporal Paul Robert m’envoie une vue du Panthéon, mise à la poste à Niort (Deux-Sèvres) :

    « En cours de route. Mercredi matin.

    Mon bien cher Paul

    Que vas-tu penser lorsque tu me sauras dans les Deux-Sèvres. Eh ! bien oui, j’ai été reçu à mon examen et je viens faire un stage à Saint-Maixent. J’ai passé la journée d’hier à Paris. J’ai eu le grand bonheur d’aller passer huit jours à Lunéville ; tu penses quel bonheur pour tous les miens, mais comme le vide est grand. Je t’écrirai plus longuement à mon arrivée. Au revoir, mon cher Paul, je t’embrasse bien affectueusement.

    P. Robert, caporal, 20e bataillon chasseurs à pied. »

    L’avancement de mon cher « petit frère » Paul Robert m’honore beaucoup, et j’en suis très heureux.

    Aujourd’hui a lieu à la Chambre une grande… bataille politique, plus terrible pour la France, plus dangereuse que celles du front.

    Le pays tout entier la redoutait. Or, après de fermes déclarations du Président du conseil, tout s’est très bien passé. Le calme a régné, l’union sacrée s’est maintenue, et le discours de M. Viviani – un très éloquent et patriotique discours – a été acclamé ; l’affichage en a été voté.

    C’est une victoire de plus.

    Les Français respirent enfin ! Les poitrines sont soulagées d’un poids énorme. Mais que chacun, cependant, se tienne sur la défensive !...

    [27 août] En Russie les Allemands prennent Brest-Litovsk ; les Russes évacuent Vilna, ils détruisent tout et ils montrent le plus grand exemple de détachement des choses. Les Allemands ne trouvent que des ruines. Les Russes sont remplis de confiance. L’Empereur entouré de tout le haut état-major ne cesse de dire qu’il est assuré de la victoire et qu’il luttera jusque-là.

    Il se passe évidemment quelque chose que nous ne savons pas. Les Allemands très prochainement, vont l’apprendre à leurs dépens.

    Après la frottée navale qu’ils viennent de recevoir ils semblent renoncer à prendre Riga.

    Attendons les événements !

    Quelques citations locales au hasard[1] :

    Capitaine Guilhem de Pothuau[2], soldat Lépicier (sous-directeur à la Société Générale de Blois), maréchal des logis Poillerat (de Chouzy), maréchal des logis Léon Reffray (de Blois), le chasseur Volivert (de Blois-Vienne), Marcel Coquet † (de Blois, fils du général), lieutenant Louis de la Morandière (de Blois, fils du si sympathique M. Gabriel de la Morandière), Octave de Sampigny † (de Blois), le soldat Thévard (de Blois, fils du sympathique docteur), capitaine de frégate de la Fournière (gendre du bon M. le comte Jacques de Montlivault), Ernest Daveau (de Nourray, frère de M. le curé de Fossé).

    Vient de se terminer à Lourdes la neuvaine organisée par l’association de Notre-Dame de Salut.

    [1] Les héros marqués d’une † ont été tués à l’ennemi.

    [2] Fils du marquis de Pothuau, de Chitenay.