• 19 septembre 1914

    19 septembre

    Peu ou pas de nouvelles de la bataille de l’Aisne.

    Attendons toujours.

     

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    Télégramme officiel, 19 septembre 1914.- 8 Rv 90 / AD41

     

    La température plus fraîche, les pluies qui commencent vont rendre plus pénibles aux troupes les mouvements et les étapes de la guerre.

    Je reçois une carte postale illustrée représentant : Grau-du-roi - La jetée rive gauche ; elle porte, dans la partie réservée à la correspondance : « Souvenir de la guerre de 1914. L. Courtioux »

    À la bonne heure ! Le bon Léon Courtioux, sur les bords de la Méditerranée, ne craint pas les Prussiens ! Le voilà en Camargue, dans cette Camargue si pleine de rêves, à 2 pas d’Aigues-Mortes et des Saintes-Maries-de-la-Mer. Le veinard !! Que peut-il bien faire là-bas ?

    Je reçois, aussi une autre lettre qui me vient de Périgueux, et est visée par le commissaire de police de cette ville. Je l’ouvre avec curiosité.

    « Périgueux le 16/9 14

    Monsieur Legendre

    architecte à Blois

             Sans doute êtes-vous très surpris de recevoir de mes nouvelles. J’ai à Paris entièrement changé de plan, et je suis alé [sic] comme beaucoup d’autres de mon pays à Périgueux dans la Dordogne comme réfugié. Je me ferais de suite après la guerre naturaliser français, mais pour fair [sic] la guerre je n’ai pas pu me décider. Il m’aurait fait autant de peine, de dresser une arme contre mes pays que contre les Français.

    Nous sommes ici quelques cents d’étrangers ; Autrichiens, Allemands, Hongrois, etc. Nous sommes logés dans des écoles, et dans une encienne [sic] perlerie de Périgueux.

    Comme nourriture jusqu’aujourd’hui nous n’étions pas à plaindre, même nous sommes bien surveillés par de la garde militaire. Il me fait toujours grande paine [sic] chaque fois que je pense à la Touraine et au Blésois, car quand je voulais de Paris retourner à Tours les trains ne prenaient plus que les soldats et réservistes, et j’étais obligé de trouver un domicile à Paris en attendant le 14 août où l’on nous transportait à Périgueux.

    Croyez-vous Monsieur Legendre, que si M. le Préfet me donnait la permission de retourner à Tours pendant la guerre, je pourrais continuer vos travaux aux Montils pour monsieur le Docteur ou d’autres travaux. La façade du chateau [sic] dont vous m’en [sic] parliez une fois, qui est se trouve [sic] près Amboise sera-t’elle [sic] encore à fair [sic] ou M. le propriétaire a-t’il changé d’avis depuis ces événements ?

    Enfin je serais très heureux si monsieur l’architecte voulait bien m’en [sic] donner quelques nouvelles.

    Veuillez, Monsieur Legendre, recevoir mes meilleurs [sic] salutations empressées.

                                  Signé : Antoine Schwarzaus

                                              Quatre chemins

                                                         à Périgueux

                                                                Dordogne. »

     

    C’est mon ravaleur autrichien, Antoine Schwarzaus, que j’avais fait travailler aux Montils, chez monsieur le docteur Corby et qui - la guerre déclarée - avait filé comme une comète.

     

    Je lui répondrai que je ne le ferai travailler - à l’avenir - que sur le visu de ses papiers en règle de naturalisation française. Je me refuse de faire travailler un autrichien, tant honnête soit-il, comme l’est du reste M. Antoine Schwarzaus. Je me refuse à faire travailler un sujet du triste personnage qui a nom François-Joseph ; je n’oublie pas que ce personnage a allumé - le premier - l’incendie qui dévore l’Europe ; tous nos pauvres soldats, qui tombent sur le champ de bataille, sont assassinés par les troupes autrichiennes et allemandes. Cela je ne l’oublie pas.

    La liste des blessés, morts aux ambulances de Blois, continue, et - malheureusement - elle n’est pas pour se clore.

    Je la continue.

    Du 17 septembre : Victor Pilka, 27 ans, Hôtel-Dieu (ambulance).

    Les soldats allemands morts aux ambulances sont :

    Du 17 septembre : Otto Naumann, 24 ans ; Odolf Franz Schramm, 24 ans.

    La liste - hélas ! - se continuera.[1]

    [1] Berthe et Robert portent des fruits à l’ambulance de la gare.