• 14 septembre 1914

    14 septembre

    Les nouvelles sont toujours bonnes. Les Allemands fuient vers le nord.

    Meaux, Soissons, Lunéville, Amiens sont débarrassés de l’étreinte prussienne. La Lorraine est entièrement à nous, je parle de la Lorraine actuellement française. Les journaux parlent de la victoire.

    Oui, certes, c’est une victoire mais ce n’est pas encore la victoire. Il s’agit pour s’en convaincre de regarder la carte, constater la longue distance de notre frontière à Berlin, relever les places fortes d’Allemagne. La victoire n’est pas douteuse, mais nous ne la tenons pas encore et – hélas ! - que de peines, de sacrifices et de deuils elle nous coûtera encore !

    Après midi nous allons voir passer les Canadiens, mais aujourd’hui - comme hier - les Canadiens ne viennent pas.

    Nous allons au grand cimetière.

     

    6_Fi_018_01725

     

    Le Cimetière. La Lorraine offre une couronne à la Mémoire du Lieutenant Jean Le Gourd [Legourd Jean, Paul, Louis, élève de l’école des Eaux-et-Forêts, sous-lieutenant au 37e RI, unité des chasseurs forestiers MPLF le 21/08/1914 à 21 ans]. 6 Fi 18/1725. AD41

     

    Dans le carré réservé aux tombes militaires – hélas ! – que de tertres fraîchement dressés ; il y en a déjà dix ! Des fleurs qui se fanent, reliées par un nœud aux couleurs de France, sans inscriptions, indiquent que là - sous cet amas de terre fraîche remuée - repose un pauvre enfant de France, mort pour la défense de son pays, tombé au champ d’honneur. Il dort, là, son dernier sommeil, loin des siens, loin de son père, loin de sa mère, de ses frères, de ses sœurs, de son épouse, de ses enfants, loin de la terre qui l’a porté à ses premiers pas, loin de son clocher natal – son clocher qui a sonné à son baptême, à sa première communion, à son mariage et reste muet en ces jours de deuil ; il dort là, loin de ses amis qui l’aimaient, loin de tous ceux qui le connaissaient ; il dort là, loin du petit cimetière de son village ou du grand cimetière de sa ville où tous ses aïeux reposent déjà !

    Ils dorment là leur dernier et éternel sommeil ces braves et chers enfants de la France.

    Nous nous inclinons sur leurs tombes et – tandis que nos larmes coulent – de tout notre cœur, de toute notre âme, nous prions pour eux.

    Que le Dieu tout-puissant leur accorde l’éternelle récompense, et, à eux qui sont morts ici-bas pour la Patrie, qu’il leur ouvre les portes de la céleste Patrie, dans le triomphe et la paix des cieux…

    Pauvres jeunes gens ! Pauvres enfants !! Qu’ils reposent en paix !