• 24 octobre 1914

    24 octobre

    Aujourd’hui part le 1er bataillon – formé à Blois – du 2e étranger : 1 200 hommes environ. Ils quittent Blois les braves légionnaires, laissant le sillage d’un bon souvenir.

    Ils emportent les meilleurs souhaits des Blésois.

    Je reçois la lettre suivante :

                « Versailles, le 22 octobre 1914

    Monsieur Legendre

    Je viens me rappeler à votre bon souvenir et en même temps vous demander un grand service. Depuis la mobilisation je suis toujours resté ici et je voudrais bien pouvoir aller à Marcilly, voir moi-même comment le travail marche, et passer quelques heures avec les miens.

    Aussi si vous vouliez m’adresser une convocation pour le 1er novembre au sujet du travail du Dangeon je ferais voir votre lettre à mon capitaine, et lui demanderais une permission pour me rendre à votre appel.

    Je crois que c’est la seule chance que je pourrais avoir pour m’en aller. J’espère M. Legendre que vous ne me refuserez pas ce service, et avec mes remerciements anticipés agréez l’assurance de mes sentiments dévoués.

                             Signé : Jules Tripault

    Maitre-ouvrier, 5e génie, 28e compagnie

    Versailles – Troupes mobilisées – Campagne 1914 » 

    On fait comme on peut pour obtenir une permission et je ne demande pas mieux de rendre service à ce brave Tripault. Sa femme, ses bons parents seront bien heureux de le voir si je réussis ; je lui écris ce soir même.

    Etat-civil des ambulances pour la semaine :

    Le 17 octobre : Raoul Auger, 25 ans (soldat au 24e régiment d’infanterie) Hôtel-Dieu.

    Le 19 octobre : Victor Ridel, 31 ans (soldat au 224e régiment d’infanterie) Hôtel-Dieu.

    Le 21 octobre : Jean-Baptiste Parel, 24 ans (soldat au 135e régiment d’infanterie), rue Franciade ; Gustave-Armand Neuville, 37 ans (soldat au 21e [39e] régiment d’infanterie) rue Franciade ;

    Soldat allemand mort : le 20 octobre : Haugk (soldat allemand).

    Voici – pour terminer – moins tristement une belle poésie de M. l’abbé Oubré, curé de Saint-Cyr-du-Gault.

     

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    Saint-Cyr-du-Gault.- L’église et la place.- 6 Fi 205/1. AD41

     

    Semailles héroïques

    Aux vieux beaucerons

    Il flotte un peu partout, durant ces jours d’automne

    qu’octobre tristement ramène parmi nous,

    un brouillard morne et las, où frissonne, à genoux,

    le deuil farouche qui n’épargne plus personne…

    C’est la mélancolie intense où tout est noir…

    L’heure grise, qui ne connaît que la tristesse

    pleurant tout bas la mort d’une immense jeunesse

    impitoyablement fauchée en plein espoir !

    Les champs sont tout à fait déserts… Point de voix mâle

    excitant l’attelage en peine de labour.

    Seul, un vieux dont le dos se courbe, cherche autour

    de la charrue inerte un tracé qui s’étale…

    Il lui faut maintenant se remettre à couvrir

    les grands sillons si durs à creuser dans la terre ;

    car le gars est tombé là-bas… au front de guerre

    et ne reviendra plus jamais pour les finir !

    Le vent souffle en rafale, on dirait qu’une plainte

    en sort et crie au vieux : « Du courage, demain

    les grands blés dresseront leurs tiges… il faut du pain

    pour nourrir les petits… » d’une plus forte étreinte.

    Le vieillard a saisi le manche, et fléchissant

    sous le hâle, il conduit ses chevaux pleins d’haleine

    entr’ouvrant le sillon, où bientôt la main pleine

    du semeur jettera le grain tout frémissant…

    Le grain, trésor sacré de la moisson nouvelle,

    espoir suprême, cher à ses petits-enfants,

    où vibre, comme aux plis des drapeaux triomphants,

    la Liberté, l’Honneur que le travail rappelle…

    Et tandis que le soir grandit à l’horizon

    dans l’heure brune, où désormais plus rien ne bouge,

    les yeux emplis du sang de la vision rouge,

    l’aïeul dit : « Je ferai l’œuvre sans trahison ! »

                      Abbé Benjamin Oubré

          Maître ès jeux floraux du Languedoc.