• 1er novembre 1914

    1er novembre

    Journée des tristesses et des consolations.

    Journée des souvenirs et des béatitudes.

    « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés. »

    Tombés, là-bas, sous la mitraille meurtrière, les pères, mères, épouses, enfants, grand’parents, amis, pleurent le fils, l’époux, le père, le petit-fils, l’ami, qu’ils chérissaient tant ; ils pleurent la disparition de celui qu’ils aimaient, ils le pleurent de toutes les larmes de leur corps. Pauvres gens ! Pleurez, pleurez ; Notre-Seigneur vous l’a dit « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés. » « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux. » La France et tous les Français souffrent la persécution de ce peuple vandale germanique. La France lutte pour la civilisation, la liberté et la justice. Comment ne devra-t-elle pas être victorieuse et posséder le plus grand, le plus précieux des biens : le Royaume des Cieux.

    Elle saigne la France sous la persécution barbare, elle offre l’holocauste des plus purs de ses enfants, elle en appelle à la Justice de Dieu !

    « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux. »

    Et chacun prie de toute son âme, en ce jour plus triste que les autres, et aux messes matinales nombreuses sont les Saintes communions reçues.

    Le tantôt je vais au cimetière de la ville (le matin je suis allé au cimetière de Vienne, ma première visite a été pour la tombe où reposent mon cher père et mes chers grands parents) ; au cimetière de la ville les tombes militaires sont décorées de drapeaux français. Il y a foule, et cette foule – je tiens à le dire, pour manifester, ici même, la vérité- n’a pas l’attitude que je prévoyais ; elle est curieuse avant tout, elle ne vient pas là pour accomplir un acte de reconnaissance, elle ne vient pas à un pieux pèlerinage, elle vient voir et assouvir sa curiosité. Les uns et les autres parlent à haute voix, ou se bouscule presque pour lire les inscriptions, on lit à haute voix les noms de ceux qui sont morts dans nos ambulances, nul respect, nul sentiment d’émotion. Que sera-ce dans un an, dans deux ans, dans 10 ans !

    L’oubli ! L’oubli le plus profond !! Dieu seul n’oublie pas…

    Ceux qui prient sur ces tombes sont bien peu nombreux, il en est –cependant – et j’en vois – qui prient tout leur cœur, mais comme ils sont rares !

    Je vais aux deux emplacements réservés aux sépultures militaires, j’y dépose – à chacun – une belle fleur de chrysanthème et ma prière ; puis je quitte le cimetière après quelques prières déposées sur des tombes chères.

    Je vais ensuite aux vêpres à la cathédrale et je rentre.

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    Blois.- La Cathédrale Saint-Louis.- 6 Fi 18/527. AD41