• 4 et 5 mars 1915

    4 et 5 mars

    Il fait un temps idéal ; nos pauvres blessés et malades pourront prendre un bon bain de soleil.

    La semaine dernière M. l’abbé Croisier a photographié tous les blessés ou malades, ainsi que le personnel de l’ambulance. Charles a eu sa photographie - comme les autres – et il me l’a donnée ; c’est un précieux souvenir.

    Lundi dernier – 1er mars – j’ai omis de le dire – je suis allé aux obsèques de M. Coypel, à Saint-Gervais, qui habitait la propriété des Bruyères, près de la forêt.

     

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    Saint-Gervais-la-Forêt.- Le Château.- 6 Fi 212/1. AD41

     

    Je vais prendre mon service de nuit à l’ambulance. En arrivant j’entre à la salle 1 – il y a longtemps que j’y suis allé – Durand est parti ; Boutet va bientôt partir ; Guibert et Tardy vont de mieux en mieux ; Chouel – l’algérien – est toujours sur son lit.

    Lorsque j’arrive à la salle 3, beaucoup dorment déjà, il est 8 heures ; Charles dort, il ne se réveillera qu’au matin. La nuit se passe en distribution de médicaments : sirop diacode, tisanes, bouillons ; mille soins. Le jour paraît avec le chant du pinson. Je prépare les toilettes de tous, et aide au premier repas du matin. Je m’efforce d’être à tous. Je quitte l’ambulance presque à 8 heures 1/2, bien à regret, tellement j’aime être avec les chers blessés ou malades. Il fait si bon soulager ceux qui souffrent que – si je le pouvais – j’accepterais bien de souffrir à leur place.

    M. Riffault m’écrit : « … mon fils se remet tout doucement, mais ce sera encore long. »

    M. Leddet m’écrit : «  … Je vous remercie de vos félicitations pour la décoration de mes fils. Il y a lieu pour nous d’en être fiers, c’est un instant de bonheur au milieu de toutes nos préoccupations. »

    M. Groussin–Hersant, entrepreneur de plâtrerie à Bourgueil (Indre-et-Loire) m’écrit : « … Quand donc cette maudite guerre finira-t-elle, nous libèrera-t-elle de tous ces malheurs ? Bourgueil est bien éprouvé, nous sommes au malheureux chiffre de 29 morts au champ d’honneur ; pour un petit pays on est bien dans la tristesse.

    Mon fils aîné part à la prochaine classe 16 ; d’ici 15 jours ou 3 semaines, et vous remercie bien des bons souhaits de monsieur Legendre ; il part bravement, et je compte bien sur lui pour faire un bon défenseur de notre pauvre France bien affligée à l’heure actuelle. »

    Voilà des paroles de brave ! Tous les habitants de Bourgueil sont des braves gens.