• 25 et 26 mars 1915

    25 et 26 mars 1915

    Ce matin c’est l’Annonciation ; les cloches carillonnent. Je vais à la messe à la paroisse de Vienne.

    Voici une lettre de Brangé

    « Châtres, le 20 Mars 1915.

    Cher monsieur

    Je viens vous faire savoir que depuis Romorantin on m’a envoyé à Châtres-sur-Cher chez une dame où nous sommes très bien nourris et nous allons en promenade et la pêche et à la chasse.

    Quant à ma santé je ne suis pas encore guérrie complètement je ne vois pas auttres choses qui puisse vous intéresser pour le présent. [sic]

    Bien des compliments et bonne santé et je vous remercie beaucoup du dévouement que vous avez eu pour moi à l’hôpital et vous donnerez des compliments de ma part à la Sœur Marcelle et à Maimeraut [Mêmereau] et à Viard.

    Veuillez bien agréer les expressions de mes sentiments les plus distingués.

    Signé : Brangé Jean à Châtres-sur-cher ambulance 42 (Loir-et-Cher) »

     

    6_Fi_044_00010

    Châtres-sur-Cher.- Place de l’église.- 6 Fi 44/10. AD41

     

    Paul Verdier m’envoie une carte de Cette « La croix de Mont-Saint-Clair ».

    « Souvenir de plage sur les bords de la Méditerranée en descendant de Mont-Saint-Clair. Bonnes amitiés. Signé : Paul. »

    Voici une carte de Pinard (très brouillé avec le français et l’orthographe) représentant un affreux portrait de Catherine de Médicis.

    « Mardi le 23 Mars 15

    Bien cher camarade

    Je vous écrie ses de mots pour vou dire que je pare de Chaumont de main et bien je ne voiplus rien avou maitre pour le môment. Signé : Pinard J. au parc Sévérac Loire inférieur. »

    Voici une lettre de Paul Robert, auquel j’ai envoyé son certificat d’hospitalisation chez moi pendant sa convalescence. Il me dit qu’une de ses tantes, habitant Nevers, ayant manifesté le désir qu’il passât sa convalescence chez elle, il ne pourra la passer chez moi, mais qu’il fera tous ses efforts pour s’arrêter quelques heures en passant. Cela me contrarie parce que je me faisais fête de le recevoir. J’en suis pour mes frais de certificat.

    Ce soir mon Charlot m’envoie la carte suivante (représentant le château de Chitenay - elles sont toutes les mêmes) relative à leur promenade d’hier mercredi.

    « Enchanté de notre promenade et j’ai bon appétit, cela m’a fait du bien et je vous remercie de la pipe, elle est très bonne. Aujourd’hui jeudi encore grand jeu avec M. l’abbé ; il a du bon vin blanc et on l’a bien goûté. Bien le bonjour à madame Legendre.

    À bientôt. Charles Viard qui vous serre la main. »

    Voici une carte du Général Gervois

    « Monsieur Legendre.

    Mille remerciements pour la pipe ; nous avons passé une bonne journée hier. À bientôt !

    Votre tout dévoué reconnaissant

    Signé : Le général Paul Gervois. »

    En voici une autre du quartier-maître Gallon.

    « Chitenay 25/3/15

    Monsieur

    Permettez-moi de vous envoyer cette petite carte, pour m’excuser de n’avoir pu vous dire bonjour hier, j’étais en avant, et pensant que vous alliez faire la route avec nous, je ne me suis pas arrêté.

    Laissez-moi, en passant, vous remercier de toutes les friandises que vous nous avez apportées. Recevez, cher Monsieur, l’assurance de ma plus sincère affection.

    Votre ami. Signé : Gallon Pierre.

    Inutile de vous donner de mes nouvelles et de celles de Charles, vous avez pu juger de notre état par vous-même. » Bonnes nouvelles donc !

    Je vais prendre mon poste ce soir à l’ambulance. Avant de prendre mon service, je vais voir les amis aux salles 1, 2 et 4 ; à la salle 3, Cany est parti.

    La nuit est assez chargée. Le maréchal des logis Gérard est assez malade ; il a eu une rechute de fièvre typhoïde, 39° et 40°; il a une soif intense, et, toute la nuit, je lui donne à boire et, toutes les 2 ou 3 heures environ, je lui mets deux poches remplies de glace sur le ventre. Il est très abattu.

    Je suis le seul des veilleurs, me dit la sœur, qui consente à lui donner des soins ; certains veilleurs même, me dit-elle, ne veulent pas venir dans la salle de peur d’attraper la fièvre typhoïde.

    Si tout le monde en faisait autant qui soignerait ces pauvres malades ? Moi je m’en remets au bon Dieu ! Voilà tout.

    La nuit se passe dans l’activité, jusqu’au jour.

    Ce soir arrive une dépêche : «  La Couronne. Arriverai ce soir cinq heures amitiés. P. Robert. »

    Voilà l’ami Paul Robert qui vient me voir. J’en suis très enchanté, mais voilà maman toute en émoi ! «Qu’elle n’est pas libre chez elle ! Que l’on a pas peur à sa peine ! etc, etc » et autres sorties semblables. Il faut donc que je vive comme un ours, ne voyant personne, ne recevant personne ; il me semble que j’ai le droit de vivre comme je veux, de recevoir qui je veux. C’est aussi ce que je fais, passant outre à semblables stupidités.

    Aussi je mets la main à la pâte pour que nous recevions mon ami comme il convient. Ah ! mon Dieu quelle existence j’ai !...

    À 5 h je vais à la gare au devant de Paul Robert. Je ne l’ai pas vu depuis notre voyage de Rome, il y a [6] ans déjà ! C’est un bon garçon, il arrive souriant, dans son costume de caporal de chasseurs à pied. Mais il n’a pas de chance, car il fait froid aujourd’hui. Aussi, après dîner, allons-nous nous coucher. Je lui donne ma chambre. À demain !

    Voici une lettre que j’ai reçue d’une dame de Paris, qui s’intéresse à Charles, et à laquelle j’ai envoyé sa photographie.

    « 25 Mars 1915

    206, Boulevard Raspail

    Monsieur

    Excusez mon long retard à vous répondre, mais depuis une huitaine de jours, je suis blessée à la main droite et je puis à peine encore tenir mon porte plume ayant le pouce très endommagé. Ce n’est ni la guerre, ni un zeppelin qui en est cause, simplement un geste maladroit. Je vous remercie bien vivement de la photographie que vous m’avez envoyée de notre jeune ami, et cette attention m’a beaucoup touchée, je vous prie de le remercier de ma part, car j’ignore sa nouvelle adresse. Il me dit qu’il a quitté l’hôpital pour un château, mais je ne sais lequel. Si je ne craignais d’abuser de votre amabilité je vous demanderais de m’envoyer un mot afin de me dire quelle est sa résidence.

    Comme vous j’ai ressenti beaucoup de sympathie pour ce charmant garçon et je garde précieusement les lettres qu’il m’a envoyées et qui sont toutes empreintes de courage, de franchise et d’amabilité. Aussi j’espère le revoir, si je retourne à Blois, comme j’en ai l’intention ou quand il repassera par Paris.

    Veuillez, je vous prie, transmettre à votre neveu les meilleures amitiés de sa marraine et recevoir l’expression de mes meilleurs sentiments

    Signé : C. Legeas. »

    Voici une lettre aimable et affectueuse. Charlot – partout où il est passé – et de toutes les personnes de cœur qui l’ont connu – a su s’attirer la sympathie et l’affection. En voici encore une preuve. Le cher petit !

    Cette lettre me fait plaisir et je la lui montrerai.