• 20 mars 1915

    20 mars 1915

    C’est aujourd’hui le printemps ! Enfin.

    Sera-ce le printemps de la Victoire ?

    Je reçois ce matin une lettre de mon Charlot.

    « Chitenay le 19 Mars 15

    Cher monsieur

    Depuis hier je ne suis pas si bien portant, j’ai une diarrhée qui n’est pas ordinaire et hier j’avais un peu de fièvre, et je ne suis pas si fort.

    Enfin j’espère que ce sera bientôt passé. Je vous attends mardi et veuillez m’apporter du chocolat s’il vous plaît, vous me feriez bien plaisir, à moins que vous vouliez le donner à Gallon qui va à Sainte-Geneviève.

    Bien le bonjour de Gervois qui voudrait avoir un porte-plume réservoir. Bien le bonjour à madame Legendre.

    Votre ami Charles qui vous serre la main en attendant de vous revoir

    Signé : Charles Viard. »

    Pauvre petit ! Cette lettre me cause beaucoup de peine et – à distance – n’étant plus au chevet du cher enfant – elle me cause de vives inquiétudes.

    Ce matin j’assiste à la chapelle de l’ambulance Sainte-Geneviève à l’ordination d’un jeune sergent qui, malade de typhoïde bénigne, avait été évacué à Blois. Du diocèse de Toulouse il avait été reçu diacre – dans son pays – en août dernier, il a demandé et obtenu d’être ordonné prêtre avant de repartir sur le front.

    Monseigneur l’évêque de Blois est assisté de M. le vicaire général Montagne et de M. le chanoine Orain. M. le chanoine Pavy[1] et M. le chapelain de Sainte-Geneviève : M. l’abbé Paul Huré[2], M. l’abbé Renou[3], attaché au service des entrées de Sainte-Geneviève, assistent à la cérémonie.

    Commencée par le chant du « Veni Creator » la cérémonie se déroule belle, sublime, impressionnante.

    Après la prostration le jeune abbé Gers se relève prêtre pour la vie. Il y a une nombreuse assistance. Du côté réservé à l’ambulance les malades, blessés et infirmières disponibles accompagnent le cher abbé.

    Au chant du « Te Deum » la cérémonie se termine, alors que le cortège liturgique quitte la chapelle, pendant que s’éteignent les lumières de l’autel tout orné de drapeaux français et de fleurs.

    Quelle inoubliable cérémonie !

    Sortant de là je vais aux obsèques présidées par monseigneur l’évêque, de la Révérende mère Saint-Gabriel, supérieure générale des servantes de Marie. La cérémonie se fait dans la chapelle de Saint-Antoine, boulevard Eugène-Riffault.

     

    6_Fi_018_01732

    Blois.- Maison-Mère des Franciscaines, Servantes de Marie. La Chapelle.- 6 Fi 18/1732. AD41

     

    Ce matin, je fais légaliser les certificats relatifs au congé de convalescence de Charles Viard et de Paul Robert.

    Ce tantôt vient me voir le brave fusilier marin, quartier-maître – Pierre Gallon[4]. Sa visite me cause le plus grand plaisir. Il est venu assister à l’ordination de son ami l’abbé Gers ; il ne repart que demain soir. Il me donne des renseignements sur la rechute du cher petit.

    Le soir je vais lui porter un paquet pour Charlot, dont une peau de chèvre donnée par Manière à Gardeil, qui l’a donnée à Charles.

    Je vais le voir à la salle 24, à Sainte-Geneviève.

    La dévouée infirmière de la salle : Melle Marthe Gaudin[5] est à son poste de dévouement.

    Je reçois une carte de Carcassonne, représentant une vue de la cité, de Paul Verdier.

    « Carcassonne, 18 Mars 1915.

    De Montpellier hier soir, nous filons sur Castres, Mazamet par Castelnaudary. Que de vignes par ici ! Plus loin des rochers à formes curieuses, mais le temps s’assombrit.

    Bonnes amitiés.

    Signé : Paul. »

    Voici aussi une bonne lettre que je reçois de M. le directeur des enfants assistés de la Nièvre, elle fera plaisir à Charles.

    « 19-3-15

    Monsieur Paul Legendre

    architecte à Blois

    Je reçois à l’instant la superbe photographie que vous m’envoyez et vous en exprime immédiatement ma vive reconnaissance. C’est une surprise qui me cause le plus grand bonheur.

    J’ai le plaisir, monsieur Legendre, de faire votre agréable connaissance et ensuite de constater que notre cher pupille est en bonne santé. J’espère que notre Charles sera bientôt complètement rétabli.

    Je crois – ne lui en parlez pas avant l’heure – qu’il recevra un témoignage de satisfaction de la part de l’administration, à qui j’ai signalé sa belle conduite.

    Permettez- moi d’espérer qu’un jour je pourrai vous témoigner ma reconnaissance de vive voix.

    J’ai dans ce Loir-et-Cher des attaches d’amitié très fortes et aussi des souvenirs de famille, mon oncle ayant pendant une quinzaine d’années rempli les mêmes fonctions que moi tant à Blois qu’à Romorantin.

    J’adore votre ville.

    Veuillez agréer, monsieur Legendre, avec mes remerciements, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

    Signé : Bacquet. »

    Charles sera heureux de prendre connaissance de cette bonne lettre.

    État civil des ambulances pour la semaine 

    Du 17 mars : Georges Levalois, 20 ans, soldat au 101e régiment d’infanterie (rue Franciade).

    [1] au grand séminaire

    [2] 19, rue du Palais

    [3] rampe Chambourdin

    [4] originaire du département de « la Loire », électricien de son métier.

    [5] rue du Bourg-neuf, 31