• 3 et 4 mai 1915

    3 et 4 mai 1915

    [3 mai] Monsieur le directeur des enfants assistés à Saint-Pierre-le-Moûtier m’écrit :

    « 1er mai 1915

    Cher monsieur

    Les renseignements que vous me donnez sur Charles me font bien plaisir, je suis très content d’apprendre que ses forces reviennent bien ; il est si bien constitué qu’à moins de lésion incurable il devait en être ainsi. Au sujet de la distinction qu’il a reçue j’ai voulu établir la justice. Son camarade Descamps qui, lui, a été blessé était, à la suite de mon rapport mensuel, porté pour une récompense. J’ai pensé que Charles, que le hasard seul avait protégé, se trouvait, à tous les autres points de vue, sur le même pied que son ami Descamps. Et l’administration, qui suit ses enfants avec tant de sollicitude, a été très heureuse de leur accorder la même faveur.

    J’aurai beaucoup de plaisir à revoir Charles et à lier connaissance avec vous. Comme je me déplace beaucoup, si vous le pouvez, avertissez-moi un peu à l’avance. Je n’ai plus rien concernant Viard[1] ; j’ai tout remis à l’autorité militaire à son engagement. Je vous adresse la pièce ci-jointe pour vous permettre de demander – au greffe du tribunal civil de la Seine – l’extrait de naissance.

    Amitiés à Charles et croyez – cher monsieur – à l’expression de mes meilleures sentiments.

    Le directeur : Bacquet »

    Voici une carte du « général Gervois » qui m’écrit de son dépôt de Sarlat :

    « 1er mai 1915

    Mon cher ami

    Merci pour votre lettre encourageante aussi très heureux de vous savoir en bonne santé ainsi que mon chauffeur Charlot, je suis content pour lui, j’aurais voulu le voir au gouvernail…

    Une cordiale poignée de main de votre ami reconnaissant. Paul Gervois. »

    Nous recevons des cartes de Meaux envoyées par Berthe avec des vues des atrocités commises par les Allemands :

    Une à maman (le vieux pont que les Anglais ont fait sauter avant de se retirer).

    « Les amis chez qui nous sommes ont eu leur toiture percée par de gros moellons venant de ce pont. »

    Une à moi (ferme incendiée à Chauconin) « Nous avons vu ces tristes ruines ce matin ainsi que quelques tombes de soldats. »

    [4 mai] Quelle journée ! Nous avons eu aujourd’hui une avalanche de grêle épouvantable. Vers 11 h, ce matin, en 10 minutes, notre pauvre jardin a été anéanti. C’est un vrai désastre. Tout a été haché. Feuilles, fleurs, fruits, légumes, qui étaient superbes et donnaient les plus belles espérances, tout est détruit. Et nos fraisiers qui étaient superbes, nos pêchers, nos poiriers, nos treilles, tout n’est plus qu’un amas de fruits, de branches et de feuilles jonchant le sol. C’est navrant ! Je n’ai jamais vu pareil déluge. On ne se souvient pas, dans le faubourg, avoir vu semblable orage depuis 1865.

     

    6_Fi_018%00800

    Blois.- Vue générale sur le Faubourg de Vienne.- 6 Fi 18/800. AD41

     

    Les grêlons sont gros comme de petites noisettes et il y en a une couche très épaisse. La rue est jonchée de feuilles vertes et on se croirait au jour de la Fête-Dieu.

    Tout est désastre de tous les côtés décidément.

    Il faut se soumettre.

    Paul Verdier m’écrit une longue lettre dans laquelle il m’écrit de Troyes qu’il est au repos, qu’il s’ennuie, que la guerre ne sera pas finie cette année.

    « Je te félicite du dévouement que tu mets au service de la France en essayant de remettre sur pied chez toi de bons et vaillants défenseurs de la patrie. »

    Puis il part – très justement – en guerre contres les embusqués, contre ceux qui actuellement, gagnent de l’argent, contres les accapareurs. Sa lettre est très intéressante, mais très longue, trop longue pour être transcrite ici, cependant elle mériterait de l’être toute entière.

    [1] Ceci au sujet de pièces que j’avais demandées pour faire passer à Charles son examen de conduite des autos.