• 26 et 27 mai 1915

    26 et 27 mai 1915

    [26 mai] Robert nous écrit ce matin qu’il arrive ce soir, le cher enfant vient se reposer en Blésois, et c’est une vraie joie pour nous. Je vais au devant de lui ce soir, au train de 5 h 39. Depuis octobre que nous ne l’avons pas vu, nous le trouvons encore grandi. La vie déprimante de l’usine Delage – où il travaillait – l’a pâli ; le bon air du Blésois lui rendra la santé et les couleurs.

    Ce matin maman reçoit une jolie carte de Charles représentant un fusilier marin : « Au poste d’honneur m’a placé la France, Je la défendrai contre toute offense ».

    « Grand Palais le 25 mai 1915

    Chère madame

    Tous mes remerciements de la bonne convalescence que j’ai passée chez vous, et je vous en suis très reconnaissant. Je suis toujours en bonne santé, excepté les pieds, je ne peux pas endurer mes souliers, mais j’espère bien que ça ne durera pas. Votre ancien pensionnaire qui vous embrasse.

    Viard Charles »

    Cette carte à maman montre ses bons sentiments de reconnaissance.

    J’ai aussi, ce matin, une carte de Charlot : « Yser-misère ! »

    « Grand Palais, le 25 mai 1915

    Cher monsieur Paul

    Je ne me rappelle plus du nom de votre beau-frère, si vous vouliez avoir la bonté de me le donner ; je suis toujours en bonne santé et j’espère que ma présente vous trouve de même. Je me suis promené hier avec Pierre et nous avons fait une bonne promenade. Je vais peut-être demander une permission de 24 heures dimanche avec Pierre.

    Votre ami qui vous serre la main. »

    Quelle joie si le cher enfant pouvait venir dimanche, et tous les dimanches ! J’aurais, ce jour-là, mes deux neveux ; mon neveu naturel et mon neveu d’adoption, celui que la guerre m’a donné : Robert et Charles. Les deux chers enfants que j’aime tous les deux.

    Espérons sur cette grande joie !

     

    [27 mai] Depuis quelques semaines, les morts – en Blésois – succèdent aux morts, tous ensevelis dans la gloire au champ d’honneur : Octave [Husson] de Sampigny, [Marcel]Coquet (fils du général [Hyacinthe Coquet]), [André] Galloux (fils du receveur municipal), [Gaston] Chauvin-Baugé (Vienne), [Auguste] Gauthier (Vienne), etc. etc. Et quantité de noms alliés à des familles blésoises, que de tristesses et de deuils !

     

    général Coquet

    Le général Coquet.- Agence photographique Rol.- BNF, département Estampes et photographie, EI-13 (490)

     

    Les troupes italiennes avancent en territoire autrichien ; les troupes françaises luttent et font des progrès ; dans les Carpates les troupes russes progressent également ; dans les Dardanelles, les troupes alliées – sur mer et sur terre - font du bon travail. La situation sur tous les fronts est bonne.

    Charlot m’envoie une belle carte (un fusilier marin et un marin qui se serrent les mains) avec cette dédicace : « Joignons nos armes réunies, Pour vaincre la flotte ennemie. »

    « Grand Palais le 26 mai 1915

    Cher monsieur Paul

    Je n’ai pas encore reçu de vos nouvelles. Je vous ai envoyé 4 à 5 cartes, pas de réponse. Enfin j’espère en recevoir sans tarder. Je me porte très bien et je pense partir dans une huitaine de jours.

    Votre neveu à la mode de France : Viard Charles. »

    Je n’y comprends rien car voici plusieurs lettres que je lui envoie, et il n’en a reçu aucune ! Je lui envoie une dépêche

    « T’ai envoyé cinq lettres, voir vaguemestre. Legendre. »

    Et puis il me dit qu’il pense partir dans une huitaine de jours ! Pour le front ? Mon Dieu ! Moi qui étais si heureux de le voir rester au dépôt pendant deux mois. Dans le métier militaire on ne peut être jamais sûr : un ordre de demain est changé aujourd’hui. « Mon Dieu ! que cette terrible guerre finisse. »