• 1er et 2 mai 1915

    1er et 2 mai 1915

    [1er mai] Voici le joli mois de mai ! Le muguet qui paraît-il fait fureur est très recherché ce jour-ci.

    Du bonheur ? Qui n’en voudrait pas !

    Le sergent Boutet m’écrit de Romorantin :

    « Le 30 avril 1915. Cher monsieur

    J’ai appris hier que vous étiez venu me demander. Je suis désolé de ne pas m’être trouvé à la caserne pour avoir le plaisir de vous voir ; j’espère que la prochaine fois je serai plus heureux. J’ai ma chambre au-dessus du café du square, vous pouvez me demander au café, vous auriez plus de chance de me trouver ou bien fixez moi rendez-vous au jour et à l’heure qu’il vous plaira. Recevez – cher monsieur – l’expression de ma bonne amitié.

    E .Boutet

    Sergent 96e – dépôt de convalescents. »

    Madame Hersant m’envoie une carte portant une branche de muguet enrubannée des couleurs alliées : « je porte bonheur, pour la gloire, pour l’honneur ! »

    [2 mai] Charles et moi nous allons en auto par Chailles, Villelouet, Candé – où nous nous arrêtons chez l’aimable famille Daveau et chez Mme Revault puis nous repartons (Charlot étant toujours au volant) passons à Chaumont, Rilly, Mosnes, Chargé et Amboise. Nous nous rafraîchissons à la terrasse de l’hôtel du Cheval Blanc, puis visitons l’intéressante et coquette ville si bien assise au pied de son royal château. Charlot achète quelques fleurs (lilas et œillets) chez Melle Patureau, fleuriste, rue Nationale – afin de les offrir à Melle Marthe Lespagnol pour laquelle – chose très naturelle à son âge- il semble avoir de l’affection. Ensuite nous mettons le cap sur Candé, où la joie affectueuse  nous attend.

    Tous, nous allons à la pêche à la grenouille, mais les coquines de grenouilles se contentent de coasser et ne mordent guère ; cependant nous en prenons quelques-unes et Charles est l’exécuteur des hautes-œuvres. Nous sommes un peu bruyants et notre joie et nos plaisanteries effarouchent les pauvres bêtes, aussi nous laissons la pêche. Le tantôt Charlot avait conduit Melle Jeanne Daveau en auto – jusqu’à la Motte ; c est à mon tour de conduire Melle Marthe Lespagnol et René Daveau - jusqu’à Chaumont (aller et retour). Quelles bonnes parties !

    Puis Charles conduit Melles Jeanne Daveau et Marthe Lespagnol sur la route de Blois, et retour.

    Ensuite c’est une partie de canot qui s’organise sur le Beuvron, à bord de « la Mouette », conduite par le maître-marin : Charles, au milieu des rires, de la joie et des cris d’effroi de la bande joyeuse lorsque l’embarcation penche de tribord ou de bâbord sous l’effort voulu du farceur qui nous conduit. Enfin la journée se passe trop vite et nous revenons vers Blois à regret, après avoir promis de revenir.

    Le soir – après dîner, nous allons au cinéma, rue du Vieux-Pont, pour plaire à Charles, parce que – moi – je n’aime pas cet établissement.

     

    6_Fi_067%00038

    Cour-Cheverny.- Château de la Borde, vue prise au sud.- 6 Fi 67/38. AD41

     

    Mort – au château de la Borde, par Cour-Cheverny, de M. le comte Maurice Bégé, à l’âge de 50 ans. C’est une figure sympathique, un riche propriétaire du Blésois, qui disparaît. Il laisse d’unanimes regrets.