• 12 et 13 mai 1915

    12 et 13 mai 1915

    [12 mai] La guerre continue lentement son œuvre de destruction et de mort. Hélas !

    «… Nous sommes toujours dans l’attente du fameux grand coup qui nous était annoncé pour Noël, nous écrit Berthe (à la date du 10 mai) hélas ! il est bien long à venir et j’entends dire avec angoisse qu’on prépare une nouvelle campagne pour l’hiver prochain, et Robert partira au mois d’août. »

    René Arnol m’écrit pour me remercier de la bonne journée que je lui ai fait passer dimanche à Orléans. C’est encore un bon René !

    René Labbé, René Arnol, René Daveau, tous de bons garçons !

    Ayant demandé à ne pas aller à l’ambulance tant qu’il n’y aurait pas davantage de blessés, car nous en étions réduit à veiller des lits… vides, je reçois une convocation pour demain soir jeudi avec ce « nota » écrit par l’administrateur, « un détachement de 15 blessés est arrivé dans la nuit du 11-12. » Mais ne voulant pas abandonner Charlot, j’écris pour demander de ne commencer mon service que le lundi 24 mai prochain.

    Marcel Perly que j’ai félicité – comme il le méritait – de sa nomination de sergent, m’écrit :

    « Les Meurissons, 8 Mai 1915

    Cher monsieur Legendre

    Je vous remercie mille fois de vos félicitations, mais, je vous assure, que je n’en mérite pas tant que cela, car ce que j’ai fait, je l’ai fait en faisant mon devoir de français et je suis encore prêt à le recommencer... »

    Pierre Gallon, le bon Pierrot, m’écrit sur une carte représentant le Gier et le pont Saint Antoine à Saint-Chamond :

    « Izieux, le 11/5/15.

    Monsieur Legendre

    J’ai reçu votre longue lettre ce matin et je m’empresse de vous faire réponse, comme vous me dites notre congé de convalescence est bientôt expiré. Néanmoins je ne tire pas peine pour Charles car, comme je sais que vous l’aimez, vous ferez tout votre possible pour lui faire avoir une prolongation. Je vais également essayer, moi aussi, et lundi je vais à Saint-Étienne, ça me sera  - paraît-il - tout à fait difficile. Avez-vous une réponse de monseigneur Bolo ? Il me tarde de savoir le résultat de votre demande. Je fais toujours de bonnes promenades. Les affaires de la guerre, ont l’air de ne pas trop mal marcher pour le moment, et à mon idée ; je crois, qu’avant peu, nous pourrons goûter de cette douce paix attendue depuis si longtemps. Je ne vois pas autre chose à vous raconter pour le moment, et je termine en vous embrassant.

    Bien des choses de ma part à votre maman.

    Votre petit ami : Pierre »

    M. le directeur de Saint-Pierre-le-Moûtier m’écrit :

    « Saint-Pierre-le-Moûtier, 11 Mai 1915

    Cher monsieur

    J’ai été très heureux de recevoir la visite de notre ami Viard et de le trouver en bon état de santé. Il a eu beaucoup de succès ici et ses camarades de l’hôpital, ainsi que le médecin, l’ont beaucoup admiré. C’est que la réputation des fusiliers marins est maintenant mondiale, surtout quand on a affaire à un tout jeune homme comme Charles.

    Mon plaisir, ou plutôt notre plaisir eut été complet si vous aviez pu l’accompagner ; nous espérons bien que l’indisposition[1] de madame Legendre ne présentera pas de gravité. Je vous remercie à nouveau et très vivement de la bienveillance et de la sollicitude que vous avez témoignée à notre enfant. Votre influence peut être décisive sur la vie de cet enfant ; d’autant plus décisive que c’est une bonne nature, ayant le désir de bien faire.

    Je vous prie d’agréer, cher monsieur, avec nos remerciements, l’expression de mes sentiments dévoués. Le directeur : Bacquet. »

    [13 mai, Ascension de Notre Seigneur]

    Hélas ! En ce jour de l’Ascension combien d’âmes de pauvres gens, et de pauvres jeunes gens, tués à la guerre, quitteront cette terre « lacrimarum valle ! » Puissent-elles s’élever vers les régions célestes ! Puissent-elles faire la bienheureuse ascension vers le Paradis éternel où les attend le bonheur que Dieu promet et donne à ses élus !...

    Ce tantôt avec Charles nous allons à Candé, nous assistons aux vêpres et au salut en la gentille petite « cathédrale ». Ensuite Charlot conduit Jeanne en auto, dans différentes directions d’abord, et vers Chaumont ensuite ;

     

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    Chaumont-sur-Loire.- Le Pont sur la Loire.- 6 Fi 45/8. AD41

     

    mais Jeanne reste à Chaumont et Charlot revient avec Mme Joulin-Richard[2], amie de la famille Daveau, et que je connais également avec sympathie. C’est moi qui reconduis Mme Joulin, et René Daveau vient également avec nous à Chaumont. À Chaumont Mme Joulin descend, sa jeune fille aînée reprend sa place, et nous allons ainsi jusqu’à Rilly et retour. Quelles balades ! Tout « le bourg » de Chaumont nous regarde. Mais la pluie se met à tomber. Nous nous rafraîchissons chez Mme Joulin et nous repartons : Jeanne, René et moi, pour Candé. Il est inutile de dire qu’à Candé, soit chez Jeanne, soit chez Marthe, il faut toujours se désaltérer ; l’hospitalité est des plus aimables. Marthe ayant reçu aujourd’hui la visite d’amis de Blois n’a pu prendre part – à son plus grand regret – à nos promenades ; elle en est désolée. Enfin bonne journée ! Nous reviendrons dimanche, ce sera, à la paroisse, la 1ère communion. À dimanche !

    [1] Prétexte que j’avais donné à M. Bacquet de n’avoir pu aller à Saint-Pierre ; mais à la vérité c’était maman qui n’avait pas voulu.

    [2] Veuve de M. Joulin, entrepreneur de couverture à Onzain.