• 31 juillet 1914

    L’état de guerre est déclaré en Allemagne ! L’heure décidément est plus grave que je [ne] le pensais ; car, au milieu des inquiétudes des gens, je n’ai pas cru, un seul instant, à la guerre.

    soldats allemands état de guerre

     

    Soldats allemands quittant Munich, 1914 / Agence photographique Rol.

    Gallica.bnf.fr / BNF, département Estampes et photographie, EST EI-13 (408)

     

    Hier au soir encore mon excellent client M. Mallard de Paramé (Ille-et-Vilaine) revenait d’Évian (Haute-Savoie) à bride abattue - si j’ose dire - et me disait ses craintes, ce qu’il avait vu là-bas, sur la frontière suisse, la hâte de tous vers les demeures quittées quelques jours avant pour les vacances annuelles ; il m’amusait fort en me disant que son premier achat serait pour une bonne paire de souliers de guerre et une capote bien chaude ce matin, au saut du train, en gare de Saint-Malo/Saint-Servan. Et Madame Mallard, qui partageait mon même scepticisme, riait - avec moi - de cette précaution bien exagérée. Le commandant Boivin, son père, lui, très calme, mais très précis, déclarait nettement : « C’est la guerre ! L’Allemagne ne peut plus reculer ». Et allant les reconduire à la gare, au train de 10 h 53, j’étais surpris de voir les quais de la gare des marchandises - dans l’obscurité habituellement à cette heure tardive - tout éclairés et nettoyés et vides des marchandises habituelles et encombrantes.

    Qu’est-ce à dire ? En vérité il se passe quelque chose d’anormal !

    L’état de guerre - je le sais - c’est - en somme - la mobilisation générale déguisée - et la mobilisation générale ne se fait pas… si la guerre n’est proche.

    Alors ! Alors !!

    Je serre, bien affectueusement, les mains de M. et Mme Mallard, en leur souhaitant « un bon voyage » et l’espoir de les revoir à leur propriété de Sologne du Dangeon, pour l’ouverture de la chasse, le 1er septembre ! Hélas ! Aura-t-elle lieu cette année ? Madame Mallard, sceptique comme moi, jusqu’au bout, et ne croyant pas à la guerre, me dit : « M. Legendre, au 1er septembre au Dangeon ! »…

    Je redescends de la gare rêveur et anxieux. « Aurons-nous la guerre ! Ne l’aurons-nous pas ? L’état de guerre est décrété en Allemagne, c’est vrai ! Mais cela ne prouve pas que nous aurons la guerre…

    Espérons donc et attendons.

     

     

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