• 29 janvier 1915

    29 Janvier

    La guerre continue âpre et lente, sans avance ni recul, ou presque. La guerre finira faute de combattants.

    Paul Verdier m’envoie des cartes du Camp de Mailly, où – pour l’instant – me dit-il – il se repose.

    « Mailly le Camp – (Marne)

    Mardi 26 Janvier 1915

    Mon cher Paul,

                              …Je ne suis pas encore allé au front, mais notre train y va ou très prés, à 8 kilomètres quelquefois. Aussi nous ne sommes pas hors de danger ! Cependant nous avons quelques moments de répit ; ainsi ici à Mailly, près du camp qui est le plus beau, le plus grand de France. Nous y sommes depuis 11 jours garés au milieu des plaines de Champagne, à tous les vents, exposés à la neige, en pleine tempête ; quelquefois on grelotte la nuit le vent entrant par les portes qui ne ferment pas hermétiquement. Je suis bien heureux d’avoir de tes nouvelles, tu me fais bien plaisir, car c’est toujours avec plaisir que je lis tes lettres et tous les détails, mais la prochaine fois donne-moi les détails de tous les blésois que je connais et des faits qui se passent à Blois.

    Je vais bien ! car depuis que j’ai changé de service, je suis le secrétaire du médecin-chef - Dr Rogier (de Blois).

    Je te renouvelle mes souhaits et la victoire au plus vite ! Bravo mon vieux Paul, tu fais au moins plus que ton devoir ; si tous les français disponibles faisaient comme toi, on aurait moins de décès à déplorer.

    Bravo, mon cher Paul !

    Quant à la guerre nous ne pouvons rien dire que ce que disent les journaux. Même il nous est interdit de commettre des indiscrétions provenant des blessés que nous convoyons.

    Tu as bien raison, si nous avons tant de pertes et en hommes et en matériel, c’est bien à la politique de ces 10 dernières années ; c’est pourquoi on s’est débarrassé de Caillaux, que l’on a exporté au Brésil ; il vient d’être mordu par un serpent, entre frères c’est bien naturel.

     

    6_Fi_306_00073

    Soldat réserviste transportant à l’ambulance sous un feu violent son capitaine grièvement blessé.- 6 Fi 306/73. AD41

     

    Ayons confiance, mon cher. Attendons surtout la belle saison, car par ces temps affreux on n’avance pas vite dans la boue, et il faut voir les canons, les camions embourbés. Du reste pour personne ce n’est facile d’avancer.

    Nous comptons tous sur la victoire, car de la façon dont nos alliés se préparent et nous aussi pour le printemps, on doit avoir confiance et dans nos vaillants et prudents chefs et à la façon dont notre ministre de la guerre organise tout. La France ne peut mourir, elle a toujours surmonté des assauts terribles.

    Nous attendons des ordres pour le départ vers Châlons, notre gare d’évacuation. Aussi on s’ennuie ici. Douze jours de séjour. Je connais le camp par cœur ! Je fais tous les matins le trajet de notre train au camp pour acheter les journaux ; aller et retour : 6 kilomètres. L’après-midi j’en fais autant pour me promener. Mais c’est triste ce pays de plaines.

    Je compte sur toi, mon vieux Paul, pour m’égayer un peu.

                              …Bien amicalement

    Attention à cette adresse : Train Sanitaire improvisé n° 1 ancien n° 2 de l’HE5, gare régulatrice Troyes. Signé : P. Verdier. »