• 17 janvier 1915

    17 janvier

    Aux messes, dans tout le diocèse, les quêtes sont faites au profit des prisonniers français et belges.

    Ce soir je vais prendre des nouvelles de « mon petit malade » ; la fièvre a encore baissé. Deo gratias ! Le petit fusilier, qui revient de la guerre, s’est battu, en brave, à Dixmude (Belgique). C’est Mademoiselle Barbier – infirmière – chef de la salle qui me raconte cela, car le petit est très modeste et il ne se vante pas, comme tant de gens. Je l’interroge et il me raconte tout cela ; ils étaient 6 000 fusiliers, ils ne sont plus que 3 000 à peine, après avoir tenu 33 jours, alors qu’on leur avait dit de tenir 4 jours, pour permettre aux renforts de venir. Ces renforts sont venus au bout de 33 jours ! Que de carnages, d’incendies, de privations, de tortures pendant ces longs jours ! Les canons crachaient la mort tout autour, les charges et les assauts clairsemaient les rangs, la bataille – nuit et jour – faisait rage, les ravitaillements se faisaient mal, la température était mortelle, les tranchées étaient remplies d’eau, et il fallait s’y tenir. Quel carnage !

     

    charge a la baionnette

    Charge à la baïonnette.- Agence photographique Meurisse.- BNF, département Estampes et photographie, EI-13 (2565)

     

     

     Et les fusiliers-marins s’y tinrent ! Et mon petit fusilier-marin s’y tint ! Comme les autres ; braves comme les autres ! Mais la fièvre, amenée par les privations et les souffrances, le guettait ; elle l’a fait amener jusqu’ici. Le voici sur son lit d’hôpital, sur son lit d’ambulance, il y est arrivé seul, ne connaissant personne, amené par les hasards du service sanitaire, conduit sûrement par la main de Dieu, et, autour de lui, il trouve des figures amies qui lui sourient…

    Dieu a ses desseins !...

    En quittant l’ambulance je vais au salut à Saint-Vincent. M. le curé prononce une allocution sur les prisonniers de guerre, et pendant le salut, au cours duquel Georges Doliveux, sous-intendant militaire, chante – avec sa superbe voix – deux morceaux religieux – Mademoiselle Elisabeth de Traversay[1], quête pour les pauvres prisonniers français et belges.

    [1] place du château, 2, Blois