• 9 février 1915

    9 février

    Je rentre ce matin - vers 8 heures 1/2 - de l’ambulance, après de bons instants passés auprès des chers blessés.

    Le temps ainsi employé passe vite, trop vite.

    La guerre est longue, trop longue, cependant le temps passe vite !

    La guerre ? Rien à en dire ; elle dure, elle continue lentement : prise de tranchées, duels d’artillerie. Je n’y comprends rien. Quelle guerre de lenteur !

     

    Barres 12 07 1914

    Ligue des Patriotes à La Concorde, 12/07/1914. [Maurice Barrès (1862-1923)].- Agence photographique Rol.- BNF, département Estampes et photographie, EST EI-13 (374)

     

    J’ai relevé dans un article de Maurice Barrés, cette très belle strophe d’amour à la gloire de la France, écrite par Azorin, un des plus fins et des plus charmants esprits d’Espagne. Écoutez ce beau langage si harmonieux, ce chant si pur et si coloré ; c’est espagnol - forcément - et comme c’est bien plus français que beaucoup d’écrits émanant de purs et vrais Français, qui ne savent, qui ne veulent, qui ne peuvent comprendre la France. Et pourquoi !

    Écoutez ! Azorin parle de la France : « … Elle est un fleuve clair et large, un paysage d’une verdure douce et touffue ; le petit restaurant que nous trouvons dans la campagne ou dans un village, et où une brave femme, propre et aimable, nous sert un goûter savoureux et délicat ; elle est encore un chemin large et plat, bordé d’arbres. Elle est un jardin de Le Nôtre, un tableau de Chardin. C’est Montaigne dans sa bibliothèque aux murs ornés d’inscriptions savantes, c’est Villon et ses neiges d’antan.

    Pardonnez à un étranger de mêler ainsi vos grands noms ; la France c’est Sainte-Beuve, épris de la vérité, un peu trop sensuel, mais toujours curieux de visions intellectuelles. La France enfin, c’est l’ordre, la symétrie, la clarté, l’harmonie. »

    Comme c’est beau ! Quelles images bien françaises ! Pourquoi - hélas ! - Tous ne comprennent pas un si pur langage !