• 27 février 1915

    27 février

    Nouvelle carte de Paul Verdier, de Bordeaux, représentant la cathédrale Saint-André.

    « Bordeaux, vendredi 26 février 11 heures du matin

    Mon cher Paul

    Comme tu le vois je suis à Bordeaux et comme je te l’ai dit nous sommes retournés dans notre train et venons d’effectuer un voyage d’évacuation dans les Landes : Dax, Mont-de-Marsan et Bordeaux.

    Nous quittons Bordeaux ce soir et serons de passage à Blois demain samedi vers 11 heures, ou midi ou 2 heures. Je ne sais exactement. Notre train TSI – n°1 de l’HE5 (désignation) du chemin de fer sera annoncé à Blois de Tours. Passe à la gare demander au commissaire, commandant militaire de gare, l’heure de notre passage.

    Je viens de visiter ce matin les églises, la cathédrale, à bientôt de tes nouvelles et bonne amitié.

    Signé : Paul. »

    Je passe à midi chez M. Verdier, son père, il a reçu une dépêche annonçant le passage du train pour 13 heures et il est 12 heures. Je me hâte, déjeune au galop, achète un colis de chocolat Poulain, de thé, petits-beurre, etc. pour ce bon Paul, et arrive en coup de vent à la gare.

     

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    Blois.- La Gare. Façade extérieure.- 6 Fi 18/1265. AD41

     

    Il est 1 heure moins dix minutes ! Cela va bien je ne suis pas en retard. Je passe sur le quai avec mon paquet. J’aperçois M. et Mme Rogier, les père et mère du Docteur Rogier, chef du train TSI ; ils viennent voir passer leur fils. « Nous sommes mariés, me dit M. Rogier, le train est passé ! » Il est passé en avance de 3/4 [d’h] sur ses prévisions. Je suis désolé et je redescend attristé, mon paquet, qui me pèse, à la main. Je m’arrête chez M. Verdier, il arrive aussi de la gare, désolé de n’avoir pu voir ce bon Paul. Lui aussi avait un paquet pour Paul. Nous échangeons nos tristesses. Finalement je lui laisse mon paquet pour qu’il le joigne au sien, afin qu’il parte ce soir même.

    En rentrant j’écris à Paul toute ma désolation.

    Je vais ce matin aux obsèques à Saint-Vincent du docteur Marcel Duneau[1], décédé de maladie à 23 ans !

    État civil de la semaine pour les ambulances

    Du 20 Février : François Etienne, Paul Breton, 37 ans, soldat au 39e régiment d’infanterie territoriale (Hôtel-Dieu).

    Hippolyte [Charles] Zinzius, 23 ans, soldat au 113e régiment d’infanterie (Hôtel-Dieu).

    Du 23 Février : Sezny [Anne, Marie] Colin, 20 ans, soldat au 113e régiment d’infanterie (Hôtel-Dieu).

    L’Hôtel-Dieu est l’ambulance où il y a le plus de blessés et malades, mais c’est aussi l’ambulance où la proportion des morts est la plus grande. Ce ne sont pas les religieuses qui soignent les pauvres soldats, mais des bonshommes quelconques mobilisés : charcutiers, serruriers, cultivateurs, etc. alors !

    [1] fils de M. Dumeau, entreprise de menuiserie, avenue Victor-Hugo, 11, à Blois