• 24 février 1915

    24 Février

    Abel Brisset – qui est dans l’Argonne – m’écrit pour me dire – sur une carte représentant une maison de Furnes (Belgique) – qu’il est en bonne santé.

    Berthe nous écrit de Paris, à la date du 19 Février 1915.

    « Ma chère Mère

    Mon cher Paul

    Nous avons bien reçu lundi la lettre de Paul qui, hélas ! continue la suite de nouveaux malheurs. A quand la fin ? Dieu seul le sait ; en tous cas ce que nous savons c’est que beaucoup d’hommes sont envoyés de ce moment à la boucherie, le vieux, les jeunes, il y en a de tous les âges. Et combien resteront par là ?

    La classe 15 part au front et la classe 16 entrera dans les casernes le 20 mars. J’ai vu sur le journal, que la classe 1892 était appelée ; j’espère que les auxiliaires ne seront pas compris dans cet appel[1].

    Madame Hersant a reçu dernièrement une lettre d’une personne de Blois qui lui fait un éloge superbe de Paul[2], il est - paraît-il - d’un dévouement admirable auprès de ses malades, principalement avec ce pauvre petit marin ; tu nous donneras de ses nouvelles dans ta prochaine lettre. Donc nous t’adressons nos félicitations pour ce que tu fais, car tous ces pauvres enfants ont bien mérité d’être bien soignés et d’avoir quelques douceurs ; mais malheureusement tous ceux qui pourraient le faire ne le font pas...

    ...

    Dans l’attente de bonnes nouvelles, nous vous embrassons de tout cœur tous les deux.

    Signé : B. Rauduineau »

    État-civil des ambulances pour la semaine

    Du 13 Février : Armand-Eugène-Michel Deniau, 41 ans, soldat au 39éme régiment d’infanterie territoriale (Hôtel–Dieu) ;

    Du 15 Février : Joseph Renard, 19 ans, soldat au 113éme régiment d’infanterie (Hôtel-Dieu) ;

    Du 18 Février : Adrien, [Edmond] Guettier, 31 ans, soldat au 113éme régiment d’infanterie (Hôtel-Dieu) ;

    Léon Courtioux, m’envoie une carte de Cette, avec une vue de Gabès (École des Mousses) : « Bon souvenir et cordiale poignée de main » me dit-il.

    Voici une carte de Paul Verdier, de Montargis (Le quartier Saint-Dominique)

    « 20 février 1915

    Toujours écrire et colis : train sanitaire improvisé n° 1 de l’HES – secteur postal 29.

    Samedi 20 février 1915  –  Voyage d’évacuation.

    Mon cher Paul

    Nous reprenons nos voyages d’évacuation, je n’y comptais plus, car on devait nous envoyer ailleurs. Aussi qu’elle joie quand jeudi soir nous avons retrouvé notre train, en gare de Troyes, lequel train nous a emmené à Vitry–le–François et hier vendredi, de 9 heures du matin à 2 heures du matin, on a chargé 510 blessés français et allemands. J’étais chargé de transcrire les diagnostics de chaque homme, dans chaque wagon à mesure que l’on embarquait. Nous sommes partis ce matin à 3 heures de Vitry-le-François et en route pour Bordeaux ! Nous sommes passés par Troyes, Sens, Montargis, et allons passer ce soir vers 6 heures aux Aubrais et vers 9 heures à Blois. J’ai envoyé une dépêche à mon père pour le prévenir. Dommage que je n’ai pu te le faire savoir aussi. En tous cas nous repasserons par Blois au retour, dans 5 ou 6 jours ; as-tu reçu ma carte au sujet du chocolat Poulain ?

    Mes compliments à ta mère et espérant de bonnes nouvelles de toi.

    Bonnes amitiés : Signé : Paul. »

    Ce bon Paul !

    Je fais sortir aujourd’hui, pour la première fois, mon cher petit fusilier marin : Charles Viard. Il m’appelle son oncle, à la mode de France, le cher enfant ; j’accepte, et mon Robert – j’en suis assuré – n’en sera pas contrarié ; au contraire, je connais son bon cœur. Nous allons d’abord chez le photographe Grob[3] où Charles pose en vrai fusilier, en brave, devant l’objectif ; je tiens à conserver son portrait à ce cher petit neveu... à la mode de France, au cas où il retournerait à la guerre et – savez-vous – qu’il a hâte d’y retourner. C’est bien là le fait d’un brave.

    Un de ses amis lui écrit que probablement les fusiliers vont aller en Syrie, contre les Turcs, alors-il bout, il meurt d’impatience d’y aller. Le cher petit !

     

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    Blois.- Le Mail.- 6 Fi 18/682. AD41

     

    Nous allons aussi faire différentes courses, voir les rues et promenades de Blois, les façades du château (nous nous réservons la visite de l’intérieur pour Dimanche). Ce matin il neigeait, mais ce soir il fait assez beau quoique froid cependant. Nous venons goûter à la maison, puis après la visite du jardin et de la basse-cour (car il aime beaucoup les animaux), maman l’embrasse et nous rentrons à l’ambulance pour le diner. Il est enchanté.

    Je le quitte en lui disant : « à demain soir ! »

    [1] Et pourquoi ? Je ne craindrais qu’une chose c’est d’être bêtement mis dans un service où je ne rendrai aucun service ; tandis - qu’ici - avec mes chers malades - que j’aurais tant de peine à quitter - je suis utile.

    [2] L’éloge est exagéré, je fais ce que je peux.

    [3] 7 rue Saint-Honoré, Blois