• 18 décembre 1914

    18 décembre

    Le pauvre M. Harrault, glorieusement blessé, soigné au château de Laversine, m’écrit[1] :

             « Laversine [Oise]

    Mon cher ami

    Je réponds avec plaisir à votre dernière lettre qui m’a beaucoup intéressé. Je suis désolé de l’accident qui vous est arrivé. Cher ami, vous l’avez échappé belle et je ne peux que former des vœux pour l’auto qui – je l’espère – n’a pas les dommages que vous me dites. Je vous conseillerai d’abord, pour commencer, de ne pas la vendre[2]. Attendez-donc mon retour, nous discuterons de la chose plus longuement. Pour moi je vous dirai beaucoup de choses, d’abord je vais aussi bien que je peux le désirer. Ma blessure complètement cicatrisée est presque finie. Bientôt je pourrai – si ça continue – vous annoncer ma complète guérison. Encore un stage dans un établissement d’électricité pour l’ankylose et aussi la coupure d’un nerf à mon autre bras et – si ça va comme je le pense – ce sera fini. Ici à Laversine beaucoup de blessés qui arrivent, beaucoup de fiévreux. Quel triste défilé !

     

     

    247_Fi_00060

    [Artois].- Ablain.- Tranchée Sidi-Brahim. Ed. LSU. Collection Paul Jacotot.- 247 Fi 60. AD41

     

    Et quelle épouvantable chose que cette guerre ! Surtout nous continuons à entendre le canon[3] tous les jours ; il y a changement au front ces jours-ci à voir les batteries qui voyagent. Le temps est beau, pas de pluie, sec, je pense qu’à Blois c’est la même chose. Je ne peux – maintenant - que terminer en vous remerciant et en vous serrant cordialement la main. Votre

                                                                                Signé : Léon Harrault.

    Le secrétaire vous envoie, Monsieur, toutes les bonnes salutations et s’excuse de la mauvaise qualité de l’écriture…

                                                                Signé : Jules Allamand »

    Pauvre M. Harrault ! Si mutilé, si blessé pour toujours, il conserve son calme et sa gaieté.

    [1] C’est une manière de dire, car ce pauvre M. Harrault auquel un bras a été amputé, et qui a l’autre ankylosé, fait écrire pour lui !

    [2] Hum ! J’y suis fermement décidé

    [3] ainsi le 18 décembre, à Creil (près de Paris) on entend encore le canon !