• 8 et 9 avril 1915

    8 et 9 avril 1915
    « Mon cher Paul » m’écrit Paul Verdier, sur une carte représentant : « Corvol-d'Embernard (Nièvre) et mise à la poste à Troyes.
    6 Avril 1915
    Quant à moi nous avons quitté notre train le 26 mars, au garage de Corvol-d’Embernard – Nièvre – et sommes revenus cantonner sur la paille à Barberey [Saint-Sulpice] près Troyes. Puis j’ai été désigné pour aller, avec 8 camarades, démonter 19 wagons de notre train, démonter les appareils de suspension, de brancard et vider les wagons de leur matériel, et nous sommes revenus ici, après avoir couché 2 nuits sur les parquets des salles d’attente des gares où j’ai attrapé mal de gorge avec fièvre, et aujourd’hui, sur ma paille, je t’écris tout fiévreux, car se soigner ce n’est pas possible, il faut tout acheter.
    Nous avons ici un nouveau camarade, Pilleboue, curé de la Chapelle-Montmartin, près de Villefranche [sur-Cher], ancien vicaire de Saint-Nicolas. Il te connaît. Je pense que tu vas bien, ainsi que ta mère. Ci-joint vue du pays où notre train est garé.
    Bonnes amitiés et à bientôt.
    Signé : Paul Verdier »

     

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    La Chapelle-Montmartin.- Église.- 6 Fi 38/5. AD41

    Je reçois deux cartes de Charlot. Une avec :
    « Souvenir de Blois 4 heures. Viard »
    Qu’est-ceci ? Et l’autre avec cette mention :
    « Je vais à Blois aujourd’hui le 7, me faire arracher une dent. »
    Est-ce vrai ? Et n’est-ce pas une farce ?
    Je vais ce soir à l’ambulance très grippé, du froid que j’ai pris l’autre jour aux Montils, à attendre le tramway en panne. Je tousse, j’ai la migraine, j’ai le frisson ; j’aimerais bien mieux aller me coucher que de veiller cette nuit des malades qui ne sont plus malades.
    La nuit est longue et je passe mal.
    Je rentre avec la fièvre. Vais-je avoir attrapé la fièvre typhoïde ? Je prends des tasses de thé chaud et ne sors plus.
    « Monsieur Paul, m’écrit Charlot.
    Aujourd’hui le 8 avril, je demande à Mme la marquise si je peux partir la semaine prochaine. À présent que je suis guéri inutile que je tienne la place d’un autre. Plus ça va, plus je m’ennuie ; inutile que je reste plus longtemps.
    Bien le bonjour : Viard »
    C’est bien ça lui !
    Autre lettre reçue ce matin vendredi :
    « Chitenay le 8 avril.
    Cher monsieur Paul
    Voilà le départ de Gervois.
    Nous avons formé une autre chambre : Gallon, quartier-bête, Nizon et Viard Charles, vous devez les connaître ; nous sommes déjà habitués ensemble. Hier j’ai été à Blois avec Mme la marquise me faire arracher une dent. Jamais je n’y remettrai les pieds. Ah ! La canaille, il m’a enlevé la moitié de la bouche. Mais en arrivant j’ai rigolé et au lieu de m’envoyer « le doux pays du Nivernais » vous vous êtes trompé d’enveloppe et vous l’avez envoyé à Gallon. Ah ! Vous parlez d’une tête qu’il faisait le type. Ah ! On peut dire que j’ai rigolé avec le général. C’était rigolo ! C’était très bien fait.
    Ah ! Quel mauvais temps qu’il fait ; on s’ennuie à cent sous de l’heure.
    Bien le bonjour à madame Legendre
    Cordiale poignée de main de votre ami Viard, fusilier marin.
    Hôpital auxiliaire 43 Chitenay (L.-et-C.) »
    Et il y a dans la lettre une « aquarelle » représentant ou prétendant représenter un fusilier marin ventru et ballonné. Les enfants s’amusent ! Ils font bien.
    Voici une carte de Gallon. Quelle correspondance j’ai !
    « Chitenay le 08/4/1915
    Monsieur
    C’est avec empressement que je réponds à votre carte d’hier ; laissez-moi vous dire que Charles a été estomaqué des caricatures que vous lui avez envoyées, il ne s’attendait certainement pas à ça. Il a accusé Gervois de l’avoir trahi : « Qu’avez-vous dit à monsieur Legendre, lui disait-il, que lui avez-vous dit ? » Il n’en revenait pas. Nous avons eu le bonheur de voir ces belles gravures, où la ressemblance, avec l’histoire, est bien exacte. Il s’est fait arracher une dent hier, il va me la donner pour mettre à ma chaîne de montre, c’est une vraie dent de sanglier vous n’aurez qu’a en juger à votre prochaine visite.
    Votre petit ami : Pierre »
    Ce soir je me couche tôt.