• 23, 24 et 25 avril 1915

    23, 24 et 25 avril 1915

    [23 avril] Aujourd’hui nous restons à Blois, et ce soir – vers 11 h 30 - Pierre quitte la maison pour prendre à la gare – demain matin – à minuit 23 le train pour Izieux - Loire – son pays, en passant par Saint-Pierre-des-Corps, Vierzon, Bourges, Saincaize, Moulins, Roanne, Saint-Chamond. Charles et moi nous allons le reconduire à la gare. Le bon Pierre ! Son séjour parmi nous a été vite passé. « Bon voyage, mon cher Pierre, et au revoir ! » Je lui donne un petit paquet pour pouvoir déjeuner dans le train, car il ne devra arriver chez lui que demain soir vers 6 h 30.

    « Bon voyage et au revoir ! » Nous l’embrassons et redescendons à la maison.

    Dargent m’envoie 3 cartes, dans la même enveloppe, à la date du 21.

    « Monsieur Legendre. Je profite que j’ai pût aller à Rambures mon pays natalle pour vous donner quelques vues du château et je pence que mon bon camarade Charle vas bien aussi et qu’il doit être avec vous pour passer quelques jours. Votre tout dévoué ami : Dargent Patrice ».

    « Monsieur Legendre. Je suis toujours en bonne santé et je pence que ma carte vous trouvera de même ainsi que madame Legendre. Votre ami qui vous serre la main : Dargent Patrice ».

    « Monsieur Legendre. Je vous dirais que ma convalescence se termine car je doit quitter Blangy le samedi 24 avril pour me rendre à Landerneau - Finistère. Bien des choses de ma part à madame Legendre, à ma Sœur Marcelle et à mon ami Charle. Votre ami : Dargent Patrice ».

    L’ai-je dit ? La coiffure adoptée par presque tous les petits garçons est le « calot » militaire, avec galons ou pas de galons. Mais la majorité a des galons. Cela se comprend.

    Nizon que j’ai fait placer en convalescence par l’œuvre des convalescents militaires, m’écrit :

    « Sevran, le 22 avril 1915

    Cher monsieur

    Parti de Romorantin, le 20, je suis venu coucher à Paris à la Croix-Rouge. Le lendemain je fus dirigé sur l’hôpital 1017 à Sevran.

    Nous sommes soignés par des sœurs. Nous y sommes très bien comme nourriture et nous pouvons sortir à volonté.

    Je pense que ma lettre va vous trouver en bonne santé. Quant à moi ça va très bien car ici nous sommes en pleine campagne et nous avons très bon air.

    Je vous prierai de souhaiter bien le bonjour de ma part à Charles et à Pierre. Vous pouvez leur dire également que je ne suis pas content qu’ils soient partis sans me dire au revoir.

    Avec mes remerciements pour les soins empressés que vous m’avez prodigué et mon meilleur souvenir.

    Je vous envoie mes plus sincères salutations et vous serre cordialement la main.

    Nizon François (en convalescence hôpital 1017 à Sevran (Seine-et-Oise). »

    [24 avril] Je ne sors pas ; Charles va faire un petit tour, à bicyclette, jusqu’à Chitenay. J’ai omis de dire qu’hier au soir, vendredi, après déjeuner, Charles, Pierre et moi, nous sommes allés en auto à Mur-de-Sologne, aller et retour par la route habituelle. Charles s’est mis résolument au volant et a conduit comme un maître. Il est merveilleux !

     

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    Mur-de-Sologne.- Avenue de la Gare. Route de Romorantin.- 6 Fi 157/3. AD41

     

    Nous sommes allés visiter le bon curé, l’abbé Leclerc, qui nous a reçu avec joie et nous a fait goûter à son bon vin blanc.

    Cette promenade a clôturé les vacances de Pierre parmi nous.

    [25 avril] Le temps est incertain, il a plu cette nuit et il menace de pleuvoir.

    Ce matin, Charlot et moi, nous allons à la messe à Saint-Vincent.

    Ce tantôt, malgré le temps  peu sûr, nous allons en auto à Romorantin. Charlot est tout le temps au volant ; il a la prudence, la vision et la sûreté du vrai chauffeur. Il conduit l’auto, depuis Blois, jusqu’à la porte du quartier de Romorantin. Presque tous les soldats sont sortis. Seul Boivin reste et il nous aperçoit ; il vient à nous. Ensemble nous allons à la cantine. Puis, avec lui, nous allons par la ville.

    Nous rencontrons bientôt Amouroux, Vieillescaze, Guibert ; puis voici le sergent-major Faure ; voici toute l’équipe de Chitenay : Frémont, Bardeau, etc. D’autres que je connais, dont je ne sais pas le nom. Ils sont heureux de nous voir, et – bien entendu- avec des soldats – nous allons trinquer dans un petit café. Puis Charles, heureux de montrer son savoir-faire, se met au volant, et nous partons. Nous les laissons sur la route ébahis. « Eh bien le petit il fera son chemin ! » Ce soir la route est meilleure et ça roule merveilleusement. La joie nous suit.

    Nous arrivons juste pour dîner.

    Je trouve une lettre de Darras :

    « Le 23 avril 1915

    Mon cher ami

    Je réponds à votre lettre qui m’a fait grand plaisir, et que je vous remercie aussi du bon accueil que vous avez eu pour moi. Vous prierez le bonjour à Nizon et à Viard et à tous ceux qui parleront de moi. Comme carte je n’en est jamais eut, je vous met ce que j’ai, c’est le poulaillier de la maison. Pour marcher c’est toujour la même chose. Je suis au dépôt. Voici mon adresse : Paul Darras, soldat au 127e de ligne infanterie à Guéret, Creuse, 27e Cie.

    Je ne vois plus rien à vous dire pour le moment.

    Paul Darras »

    À cette carte était jointe une carte représentant la vue « du poulailler » ! de la vallée des Roses.

    Après dîner nous allons – histoire de distraire Charles – au cinématographe de la rue du Vieux-Pont. Ce n’est pas mal, mais la salle est mal composée, et je ne m’y plais guère. Encore un sacrifice que je fais pour mon cher petit marin.