• 18 et 19 avril 1915

    18 et 19 avril 1915

    [18 avril] J’ai reçu – hier au soir – une dépêche de Charles ainsi conçue :

    « Envoyez vingt francs de suite lettre suit. Viard. »

    Qu’il y a-t-il ? Est-ce pour donner à quelque camarade dans le besoin ? Où est-ce pour faire la noce ?

    Je lui envoie par dépêche les vingt francs demandés et je lui écris pour lui demander l’usage qu’il veut faire de ces 20 F.

    Ce matin je reçois donc la lettre qui suivait :

    « Romorantin, le 17 Avril

    Monsieur Paul

    Si je vous ai réclamé 20 F. c’est que vous comprenez j’étais si heureux d’avoir un mois de convalo que nous avons bu du vin bouché ; nous avons parié, alors fallait payer. Je pense partir mardi ; si vous pouvez venir nous chercher en auto, télégraphiez.

    Viard Charles, dépôt de Romorantin.

    Votre neveu à la mode de France qui vous serre la main. »

    Les enfants sans raison ! Comme ils sont jeunes !!

    Mon ami Paul Verdier m’envoie une carte sur laquelle est représenté son groupe du train sanitaire improvisé de l’HES, pris à Jeugny – en gare – au moment de la distribution des lettres par le vaguemestre. L’ami Paul est représenté dans le groupe.

    « Mon cher Paul.

    Que deviens-tu ? Comment vas-tu ? Je suis encore débarqué de mon train. Mais comme il est garé à Corvol-d’Embernard (Nièvre), je pense y remonter. Nous sommes cantonnés à 8 kilomètres de Troyes où nous avons déjà été. J’ai eu un commencement d’angine là-bas et que j’ai soigné tout seul sur la paille ; ce n’est pas drôle, surtout quand on a la fièvre. Je me soigne avec des grogs, lait au rhum, je n’ai pas goûté à la nourriture.

    Les médecins qui nous sont attachés ce sont des médecins auxiliaires – étudiants en médecine – aussi on n’a pas recours à eux et on se soigne soi-même. Quant à moi, ça va mieux, car je suis revenu à Troyes depuis le mardi 8 avril, grâce au docteur Rogier, mon chef qui m’a fait demander pour être à sa disposition pour travaux de bureau. Je suis en subsistance à la réserve du personnel. Comme il n’y avait pas de place pour moi sur la paille, je me suis arrangé pour trouver un logis en ville et j’ai trouvé chez un fournisseur de mon père – un fabricant de registres – qui m’a accueilli gentiment et m’a donné une chambre et un bon lit, bon café au lait le matin ; à 10 h je vais manger ma gamelle et le soir à 5 h ; à 8 h je rentre à mon home. Je ne suis pas tué par le travail ; ce repos confortable me remet bien. Nous ne savons quand nous recommencerons nos voyages, car l’action entre Reims et Verdun est nulle.30 trains sanitaires sont au repos.

    Amitiés : Paul. »

    Je vais à la messe et ne sors pas de la journée.

    [19 Avril] Nizon me fait écrire de Romorantin, car il ne sait pas écrire.

    « Romorantin, 18 Avril 1915

    Cher monsieur Legendre

    Je vous envoie ces quelques mots pour vous dire que je suis en bonne santé et vous informe que j’ai eu un mois de convalescence. Aussi je suis très heureux, voilà encore un bon mois à passer.

    Je vous remercie beaucoup de tout ce que vous avez fait pour moi au sujet de ma convalescence. J’ai bien reçu la lettre de la maison de Paris.

    Mon camarade Paul Darras m’a envoyé une carte de la maison où il passe sa convalescence, il va sans dire qu’il s’y plaît très bien. Je compte partir mardi prochain, avec les camarades Viard et Gallon.

    En vous adressant tous mes nouveaux remerciements je vous serre cordialement la main.

    François Nizon.

    Lors de mon arrivée à Paris, je vous écrirai à nouveau. Mon camarade Boivin me prie de vous faire bien des compliments ; il reste à Romorantin, pour massages électriques. »

    Cette lettre a du être écrite par Boivin.

     

    6_Fi_194%00020

    Romorantin.- Le Square.- 6 Fi 194/20. AD41

     

    Charlot m’écrit sur une carte représentant un militaire partant en permission :

    « Romorantin le 18 Avril 1915

    Monsieur Paul

    Je pense partir le mardi avant midi ; si vous pouvez venir nous chercher en auto, télégraphiez. Il en faut du temps pour faire signer nos pièces ; mais on ne se fait pas de bile. Pierre et Nizon vous souhaitent bien le bonjour. Votre neveu à la mode de France, qui vous serre la main. »

    J’ai écrit à M. l’administrateur de l’hôpital auxiliaire 1 bis, qu’en raison du vide fait dans les salles, le service des veilleurs de nuit pourrait être supprimé, j’ai reçu la réponse suivante :

    « Blois, le 19/4/1915

    Cher monsieur

    Suivant le désir que vous exprimez dans votre lettre du 18 courant, vous ne serez plus compris dans le service des veilles jusqu’à ce que le nombre des blessés soit plus élevé. Comme vous le dites fort bien, le chiffre des malades graves est réduit à sa plus simple expression ; le nombre des veilleurs peut être, par suite, diminué sans inconvénient jusqu’à nouvel ordre.

    Recevez, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs

    Signé : Brenet »