• 4 août 1914

    4 août - 3e jour de la mobilisation

     

    M. Nain et moi nous partons ce matin vers 6 h ½ et filons vers la Chaussée-St Victor et Menars sans nous arrêter. Notre premier arrêt est à Suèvres, en plein bourg ; les habitants mettent, tous, le « nez » aux portes ; on s’aborde, bien entendu, on parle de la guerre ; on se demande quelle peut être cette auto, pourquoi « ce monsieur[1] » - là-bas - s’est arrêté à causer à M. Laurand, le propriétaire des moulins de Suèvres ; les commentaires vont leur train ; les langues marchent ; les groupes se forment.

     

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    Suèvres.- Le Moulin Pont.- 6 Fi 252/34. AD41

     

    C’est ainsi dans tous les petits bourgs. Pendant ce temps des autos militaires ou mobilisées passent à vive allure, certaines ont le drapeau français qui flotte hardiment.

    M. Laurand est tout disposé à acheter des grains aussitôt, les moulins sont arrêtés ; il nous signale les fermes du Domino, de la Brulée, des Grisons où les grains sont rentrés et où le battage peut commencer ce jour même.

    C’est tant mieux ! Il faut donc consacrer toute la demi-journée à Suèvres où il y a des grains et des moulins.

    Nous allons à la maison d’école, l’instituteur[2] nous reçoit ; le maire, M. Treignier, député socialiste - qui a voté contre la loi de 3 ans - officier d’artillerie de réserve est parti à la frontière, faire son devoir. C’est très bien ; il doit comprendre, maintenant, où son erreur nous aurait menés, si ses collègues de la chambre avaient voté comme lui. Nous serions frais ! Enfin…

    Le 1er adjoint, M. Hippolyte Gouyet-Bazin, minotier, est également de service à la gare de Suèvres, chargé de la direction du poste des gardes de voies ferrées.

    C’est le 2e adjoint - M. Gauvin-Marcadet - qui fait fonction de maire. Nous allons chez lui, à Fleury ; mais avant, nous nous arrêtons chez son voisin d’en face, M. Rabin, un riche propriétaire du hameau de Fleury et qui peut nous donner les plus utiles renseignements.

    M. Gauvin-Marcadet n’est pas chez lui, il est paraît-il à la gare de Suèvres ; son signalement nous est donné : un petit homme, rouge de figure, en blouse bleue, dans une petite voiture à âne. Le signalement est court, mais précis.

    Nous retournons vers Suèvres, nous arrêtons à nouveau à la maison d’école ; le 2e adjoint n’est pas là ; décidément il est introuvable. Enfin il arrive. Nous sommes reçus dans un nuage de lait qui s’est « en allé » de sur le feu, la femme de l’instituteur s’en excuse.

    M. Nain explique sa mission, M. Gauvin-Marcadet comprend la grandeur de sa tâche et semble très flatté que nous l’appelions « mossieu le maire ! ». Nous nous entendons pour établir une machine à battre, peut-être deux, et M. le maire (en second) nous promet tout son appui. Nous le remercions vivement et allons voir - encore une fois - M. Laurand, à son moulin. Nous le rencontrons, avec son gérant sans doute. M. Laurand, très aimable, mais très réservé et très froid, nous assure qu’il est tout prêt à acheter 31 f. le sac de blé. C’est un bon prix. Son moulin peut tourner aussitôt. Nous quittons Suèvres sur ces bonnes paroles et filons sur Mer, où M. Nain s’arrête chez M. Grillon, un gros entrepreneur de battage. M. Grillon peut mettre une machine - dès demain - à la disposition de Suèvres. C’est parfait ! Nous allons à la mairie, revenons ensuite chez M. Grillon (qui demeure à l’ancienne gendarmerie) puis filons à nouveau vers Suèvres, où nous faisons un nouvel arrêt chez M. Gauvin-Hardillier. Enfin Suèvres est organisé et nous pouvons partir. La rentrée des grains va bien se faire, déjà elle se fait, et dès demain le battage va commencer ; après-demain les grands moulins de Suèvres vont moudre. « Songez - me dit M. Laurand - que mes moulins peuvent moudre, par jour, en farine, pour 40 000 personnes ! Or, autant de jours d’arrêt, autant de 40 000 personnes sans farine, autrement dit sans pain. »

    Nous filons, car nous avons beaucoup de communes à visiter. Cependant - comme nous passons près de la gare - M. Nain en profite pour s’arrêter et faire demander M. Gouyet-Bazin, le 1er adjoint, et le mettre au courant de nos démarches dans sa commune. M. Gouyet - « Polyte » comme on l’appelle familièrement au pays - arrive du « café de la gare » ; gros, très ventru, l’air d’un homme important et conscient de son importance, officier d’académie (s’il vous plaît), il aborde M. Nain aimablement. C’est le type de « l’arriviste » de village, le « mossieu » dans « les eaux » du jour. Il est en civil, avec un brassard au bras, les bras ballants, le chef coiffé d’un képi d’infanterie.

    Comme M. Gouyet est mon cousin - de par sa femme - et que - depuis son mariage - auquel j’étais - il a cessé de nous parler (pour une cause que j’ignore et que j’ignorerai toujours sans doute, malgré toutes les insistances de mon pauvre père auprès de son beau-père, le bon Joseph Bazin) je m’efface quelque peu. Justement un train d’artillerie passe en gare. Je vais le voir : les artilleurs agitent leurs mouchoirs, leurs képis, crient « à Berlin ! Vive la France !! », nous leur répondons - les hommes de garde à la gare de Suèvres, et moi - par de mêmes joyeux vivats ; le train est fort long et tout décoré de feuillages.

    Je reviens à mon auto, passe devant M. Gouyet ; « Bonjour monsieur ! » auquel il me répond de même « Bonjour monsieur ! »

    Nous disparaissons dans la plaine de Beauce, dans la direction de la Chapelle-Saint-Martin, où nous sommes quinze minutes après.

     

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    La Chapelle-Saint-Martin.- Place de l’église.- 6 Fi 39/1. AD41

     

    Par ici, les rentrées des moissons sont peu avancées ; les avoines ne sont même pas coupées.

    La plaine est toute parsemée de mille moyettes qui forment une immense mosaïque. Dans toutes les parcelles, jusqu’à l’infini de l’horizon, se sont des tas gris, jaunes ou verts ; ils se silhouettent les uns sur les autres, prennent - aux premiers plans - des allures de fusils en faisceaux ou de tentes de camp set ils se profilent ainsi, se fondent, s’unissent, s’effacent et ne forment plus - là-bas - que la ligne d’horizon. C’est une vaste armée, muette et forte ; armée du silence et de la force ; armée qui donnera à nos braves soldats la vaillance et la force, la santé et le courage. Ces beaux blés décupleront leur vaillance et les mèneront à la victoire. Il y a là, devant nous, plusieurs corps d’armée, et les bleuets, les pâquerettes et les coquelicots qui émergent encore - oubliés par la faux du faucheur ou celle de la moissonneuse - leurs têtes légères et presque souriantes - forment le plus gracieux drapeau que je sache.

    Ces moissons - si belles cette année - sont l’espoir et la grandeur de la France, elles donneront à nos armées la force de vaincre, de chasser l’envahisseur, de supprimer du monde ces Huns des temps modernes. Qu’elles sont belles nos moissons de France !

    Cependant, cette année, un voile de tristesse plane au-dessus d’elles ; chaque gerbe - il me semble - est liée d’un ruban aux couleurs françaises cravaté de deuil ; elles se groupent dans une union de force et, dans le silence, seules et perdues au milieu de la plaine, elles ressemblent à ces mères de douleur, muettes dans leur sacrifice, fortes dans leurs épreuves.

    Ô stabat mater !...

    Elles sont là debout, les gerbes de France, groupées en tas ; immobiles elles attendent ; dans leur silence elles parlent ; dans leur immobilité elles marchent… silence éloquent… immobilité qui entraîne… elles sont là, stoïques au poste, les gerbes de France ! Elles sont seules, au milieu de plaine, et les laboureurs, ceux qui ont façonné la terre nourricière, sont partis ; et les semeurs, ceux qui ont jeté le grain aux quatre vents du ciel, sont partis ; et les moissonneurs, ceux qui ont jeté bas cette richesse pour en extraire les trésors sont partis !... elles sont seules les gerbes de France !!

    Elles étaient belles, elles étaient blondes, elles étaient d’or, et sous le soleil de juillet les gars joyeux fauchaient, moissonnaient et liaient. La plaine retentissait des chansons du terroir, l’alouette lançait au ciel ses notes les plus pures, la joie précédait la richesse assurée, les chars se préparaient à la rentrée en granges, et les percherons - haletants - piaffaient d’impatience…

    Mais qu’est-ce ceci ?...

    Écoute paysan ?... Quel est ce signal ?... Le clairon résonne, le tocsin sonne !... Là-bas le ciel s’obscurcit ! L’orage gronde déjà !...

    L’horizon s’embrase de lueurs sinistres !... Les appels éclatent !... Des cris s’élèvent !... Écoute paysan !... Écoute soldat !... C’est la France qui appelle… qui supplie !... Elle appelle ses enfants à son secours… Elle est traquée par la meute germanique… Au secours fils de France !... Au secours !... Laisse là ta faux, tes percherons, et tes chars !... Laisse tes moissons… Il n’y a pas de précieux instants à perdre… Laisse tes gerbes… Accours… Dieu y pourvoira…

    Accours soldat de France ! La Patrie est en danger !... Accours !... Pour que d’autres moissons murissent il faut que la France vive… et pour que la France vive il faut ton sacrifice…

    Viens et quitte ton pays…

    Offre tes récoltes, tes biens, offre ta vie à la Patrie !!... À ce prix la France vivra !... Vive la France !!!

    Elles sont tristes et seules les gerbes de France… Pas un aide… pas une âme dans la plaine… c’est l’isolement du désert… c’est le champ de bataille… les moissonneurs sont partis… reviendront-ils ?... Hélas ! Beaucoup moissonneront dans les plaines éternelles. Gloire à eux ! Là-haut les épis sont toujours d’or, les moissons toujours belles ! Et pendant qu’elles se courbent sous le souffle divin, les anges chantent les cantiques des cieux !!... Gloire à eux !!! Gloire aux moissonneurs de France !!!! Ils sont partis pour les moissons éternelles…

    Le clocher de la Chapelle Saint-Martin, ajouré comme ceux de Bretagne, se profile au milieu de la plaine ; autour, les maisons sont groupées comme des poussins autour leur mère.

    Nous allons à la mairie, l’instituteur[3] nous reçoit. Il nous indique l’habitation du maire[4] au hameau de Villefriou.

     

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    La Chapelle-Saint-Martin.- Hameau de Villefriou.- 29 Fi 2141. AD41

     

    Quelques tours de roues et nous y sommes. Mon auto s’arrête à la porte d’une grande cour, toute encadrée de haut bâtiments ; M. Nain pousse une porte en fer. Une femme vient à notre rencontre. « M. le maire de la Chapelle St Martin ? - c’est ici » - la femme coiffée d’un mouchoir et habillée d’un « caraco » et d’un jupon court - comme Pérette - nous introduit dans une petite pièce blanche, très propre. Un grand bonhomme nous reçoit : maigre, le teint halé et rouge, l’air méfiant et froid. M. Nain annonce au maire de la Chapelle St Martin - c’était lui - le but de sa visite. Aussitôt la femme qui est entrée, prend part à la conversation, répond pour son homme « Ah c’est impossible ! Comment voulez-vous faire ? Il ne reste plus personne. » Le bonhomme se décide à parler, mais la femme parle aussi ; elle est insupportable. Est-ce elle « le maire » ?

    Enfin nous parlementons. M. Nain redit ce qu’il a déjà dit cent fois « l’avantage qu’il y a à rentrer les récoltes, qu’il faut se gêner, qu’il y a une question de patriotisme, et - afin de les toucher - qu’il y a une question d’intérêt. » Tous les clichés !

    Le maire nous reçoit debout, sans même nous offrir une chaise ; il reste obstinément couvert de sa casquette, ce que voyant M. Nain se couvre de son chapeau ; j’en fais autant.

    M. Nain prend des notes, engage le maire à faire tout le nécessaire et, comme il n’y a pas lieu d’insister, nous partons.

    Arrêt à Villexanton.

     

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    Villexanton.- Grande rue.- 6 Fi 292/2. AD41

     

    Dans cette commune le maire (le plus jeune[5] du canton) et l’instituteur[6] sont partis à la guerre. Nous allons voir l’adjoint[7] qui habite le hameau de Villepensier. Il habite à la dernière maison, près de la mare.

    Il est absent et sa femme nous reçoit. Quelle différence avec la réception de Villefriou de tout à l’heure : Mme Gentils, en petit bonnet bien blanc, en costume de paysanne, nous reçoit très aimablement ; elle veut que nous entrions, mais comme son mari est absent nous lui disons que nous reviendrons dans une heure environ. Il est onze heures passées. Comme dans la Beauce il n’est pas sur de trouver à déjeuner, nous avons apporté - chacun - notre petit « casse-croûte ». Nous allons donc profiter de cette heure d’attente pour déjeuner. Nous prenons un mauvais chemin de terre où mon auto est terriblement secouée - heureusement que ma petite voiture passe partout - et allons à la recherche d’un arbre pour obtenir un peu d’abri. Mais les arbres sont rares en Beauce. Nous apercevons un petit hameau, tout entouré de haies et de quelques arbres, c’est Morvilliers[8] ; nous y allons et enfin fixons « notre tente » dans un champ moissonné, tout encadré de haies. En deux temps nous installons la salle à manger sous un noyer.

    Il fait un temps superbe : pas chaud, pas froid, une petite brise ; c’est parfait.

    Nous sortons nos victuailles et nous allons déjeuner, quand un bruit de voiture nous fait tourner la tête. C’est une petite voiture avec un poney. Justement nous nous souvenons que Mme Gentils nous a dit que son mari était dans une petite charrette avec un poney. Peut-être est-ce lui ? Et peut-être est-il à notre recherche ? La voiture s’arrête, l’homme descend, regarde mon auto garée sur le chemin, il cherche partout, ne nous voit pas, va dans un champ de blé, passe dans les rangs de moyettes ; évidemment il cherche quelque chose.

    M. Nain se lève et va à sa rencontre. L’homme a un sursaut.

    « Pardon Monsieur, lui dit M. Nain, n’êtes vous pas M. l’adjoint de Villexanton ? »

    « Oui c’est moi. Mais que faites-vous donc dans ce mauvais chemin ? »

    « Mon dieu, nous cherchions un endroit un peu abrité pour casser la croûte et nous n’avons trouvé que celui-là ; les arbres sont rares par ici. Justement nous étions passés chez vous ce matin. »

    « Ah ! »

    « Oui et nous pensions que vous étiez à notre recherche et que Mme Gentils… »

    « Oui, en effet, j’étais à votre recherche, nous dit l’adjoint de Villexanton, d’une voix dure et soupçonneuse en s’approchant. Avez-vous des papiers ? »

    « Des papiers ? »

    « Oui vos papiers, vos papiers d’identités… vos passeports, car à partir d’aujourd’hui, il faut des passeports pour circuler d’un pays à un autre. »

    « Volontiers… tenez Monsieur ! » et M. Nain lui tendit la nomination du préfet de Loir-et-Cher, concernant sa mission relative au ravitaillement des grains.

    M. Gentils la lui prit avec avidité et d’un air de bravoure

    « Ah ! Ah ! Nous allons voir ! » semble-t-il dire. Et il lut, mais son regard se changea, de méfiant il devient souriant… Sa main trembla

    « Très bien ! Très bien ! fit-il embarrassé. Simple formalité, vous savez ? »

    «  Mais M. le maire (car il faisait fonction de maire) c’est chose naturelle, et par ce temps qui dure il fait bon de prendre les précautions nécessaires »

    « Je vais vous dire… et bien… les gens du pays vous ont vu passer… dans ce mauvais chemin, ils ont trouvé cela… bizarre, pensez une auto dans ce mauvais chemin là !... C’est peut être la première fois qu’il en passe une. »

    « C’est possible »

    « Alors… ils sont venus me trouver en me disant que deux individus étrangers au pays étaient « cachés » à Morvilliers, qu’ils étaient peut être armés, que ce devait être - sûrement - des espions. »

    « Hein ? des espions ? »

    « Oui, oui, ils vous ont pris pour des espions… et je ne venais pas, par ici, pour voir mon blé, mais pour vous rechercher. » Et, malgré lui le maire se redressait à la pensée de son acte… de bravoure et - in petto, sans doute - se félicitait d’en être quitte à si bon compte !

    La chose était vraiment trop drôle et nous ne pûmes - M. Nain et moi - nous empêcher d’en rire comme il convenait.

    « Et tenez ! nous dit M. Gentils - Voyez là-bas les gens du village qui arrivent. »

    Et en effet, là-bas, des gens arrivaient ; il en venait de partout. Par dessus les haies, à travers les moyettes, on apercevait des têtes qui se montraient. Des hommes, des femmes, des enfants, tous ceux qui étaient restés au village et que la guerre n’avait pas pris étaient là. Ils venaient voir les espions ! De loin ils analysaient, à leur façon, l’entrevue du maire avec M. Nain.

    « Tiens ! Vois-tu ben ! Gentils y leur z’y demande leux passeports ! Il a pas peur quein ! Y sont armés, va ! » et les gens ouvraient des yeux grands comme des corbeilles à venter le grain. Les petits enfants voulaient voir et - la peur prenant le dessus - se cachaient la tête dans le tablier de leur mère.

    « Tu sais ben qu’y faut s’en méfier de ces gas là ! c’est chouse…c’est Françoué Roussiau qui les a vus les premiers. Il a couru ses sabiots dans ses mains, jusqu’à chez Gentils… il était temps. Tu vois leux bombes ? C’est de la poudre en bouteilles, va… et c’te nuit tout Morvilliers sautait. J’te cré ! Sans Françoué Roussiau j’y étions ! Ah oui va !! J’l’avons échappé belle ! »

    et la bande de villageois, tremblait à la pensée d’une explosion qui - pendant la nuit - les aurait envoyés à 1000 m dans les airs.

    Cependant les plus braves s’avançaient ; ils voulaient voir de près. Ils avançaient par étapes, faisaient deux pas, s’arrêtaient, en faisaient trois. Une femme même, brave entre les braves, étaient déjà là-bas, à moitié du champ, elle voulait voir de près des espions, voir comment « que c’était fait des espions », comme toutes les femmes elle était curieuse, et elle avançait en se dissimulant, de moyette en moyette.

    « Et là, mon Dieu ! Regarde donc la Marie Gaudon, là-bas ! A l’a point peur !! Si a c’faisait tuer. Et là faut y ! »

    « Quérir, mais… v’là qu’Genty y donne des pognées de mains aux espions… Qu’eque c’est que ça ? V’là qui rit avec eux !... »

    Et les hommes avancèrent intrigués et sur leur défensive.

    Il y eut bientôt tout le village autour de nous, à nous regarder déjeuner.

    « Venez voir déjeuner les espions, leur dis-je. Approchez ! Nous ne vous ferons aucun mal. »

    « Ces messieurs ne sont pas des espions, leur dit M. Gentils, ces messieurs sont délégués par la Préfecture pour faire rentrer les grains »

    « Ah !... » « Oui et j’ai vu les papiers. » « Ah ! »

    Mais les regards restèrent soupçonneux, semblant dire « J’te cré ben ! ça prend pas ! » ou bien « c’est pas à nous qu’faut conter ça ! On ne nous en f’ra point crère de semblable itou ! » Et ils restèrent tout le temps que dura notre modeste repas. Un blanc tombant au milieu d’une tribu de l’Oubanghi [Oubangui] n’aurait pas été l’objet d’une plus grande curiosité.

    Et M. Nain - tout en déjeunant - leur expliquait leur rôle sur la rentrée immédiate des grains ; un des « indigènes », de la réserve territoriale ayant même annoncé qu’il devrait partir, M. Nain - dans un but très louable et très patriotique - lui proposa d’intervenir en sa faveur pour le faire mettre de préférence dans une « batterie » où - certainement - il serait plus utile pour le battage des grains, celui-ci lui dit simplement « Dame ! Vous ferez comme vous voudrez ! » et n’y ajouta aucune formule de remerciements.

    Enfin, petit à petit, la bande se retira, mais emportant bien la conviction qu’ils avaient à faire à 2 « vrais » espions et que Gentils « s’était fait rouler. » Lorsque notre repas fut terminé M. le maire nous dit : « eh bien, messieurs, je vais vous laisser déjeuner tranquilles ! » et il se retira…

    Nous ne pûmes nous empêcher de rire de cette histoire.

    Après un quart d’heure de repos, nous prîmes nos dispositions pour le départ. Il faisait bon, un temps doux et calme.

    Je m’approchais de ma voiture pour la mettre en marche, et j’allais tourner la manivelle, quand M. Nain me dit : « Tiens ! Regardez donc là-bas, cette bande qui arrive à travers les guérets ! »

    Je levais la tête. Une colonne de paysans s’avançait l’air menaçant et décidé : « Allons ! Qu’est-ce ceci encore ? » Un chef - ou semblant - tel - était à la tête : gros ; très ventru, important, rasé comme un clergyman, armé d’un énorme gourdin, il semblait donner des ordres à son bataillon qui le suivait en rangs serrés.

    « Ah flûte alors ! dis-je. Encore l’histoire des espions qui va recommencer, en voilà assez ! » et je me mis à la manivelle de mise en marche pour partir.

    « Gardez-vous en bien, me dit M. Nain, ces gens là croiraient que nous nous sauvons et ils nous poursuivraient. Qui sait ? Certains ont peut être des fusils et nous pourrions essuyer une fusillade ! Attendons-les donc de pied ferme. »

    L’affaire se compliquait et semblait devenir tragique.

    « Ce ne sont pas les mêmes que tout à l’heure, me dit M. Nain - ou tout au moins les rangs se sont augmentés et je reconnais le chef qui est à la tête. C’est Morineau, le marchand de vaches de Morvilliers et conseiller municipal de la Chapelle Saint Martin. Il ne me connaît pas, mais moi je le connais, attends ! »

    La bande fut vite arrivée, croyant que nous voulions démarrer.

    « Bonjour M. Morineau » dit M. Nain, en allant au devant du chef. Celui ci fut « estomaqué » de s’entendre appeler par son nom. Comment les espions le connaissaient ! Lui qui - peut-être - rêvait déjà des exploits fantastiques, escomptait le retentissement qu’ils auraient dans le monde entier… et au delà !... sembla déconcerté. Son étoile en fut toute embrumée ; elle palissait.

    « Vous ne me connaissez pas, peut-être ! Je vous connais bien et je vous ai vu bien des fois ! » « Ah ! » « Vous avez des papiers, montrez-moi vos papiers d’abord. » Je n’avais pas encore les miens, mais M. nain avait les siens, heureusement ! Tout en les cherchant dans son portefeuille les paysans nous dévisageaient, semblant dire «  mes gaillards on vous tient ! Cette fois-ci vous ne fuirez pas ! » et le cercle se resserrait autour de nous. Les poitrines haletaient, les mains - déjà se crispaient - et il me semblait voir des regards chercher quelque pommier ou quelque noyer aux branches trapues ou - sur le champ - en ce temps de justice martiale - nous pourrions être pendus « haut et court », sans autre forme de procès, et envoyés… dans l’autre monde.

    Tout en étant tragique, l’aventure m’amusait fort. « Morineau » lut avidement le passeport de M. Nain qui - au nom de M. le préfet de Loir-et-Cher, lui donnait la mission de ravitailler en grains les troupes et les populations civiles.

    « Ah vous êtes chargés par la Préfecture du ravitaillement des grains ? » « Vous le voyez ! Vous avez bien entendu parler de moi : je suis resté seize années comme régisseur du domaine de Menars et M. Legendre - en me désignant - qui m’accompagne, donne son temps et son auto à la France - est architecte à Blois. » « Très…bien, messieurs. Très bien… seulement… par ces temps troublés… il est bon de se renseigner. La préfecture et l’autorité militaire, à nous aussi - (et M. Morineau se redressa dignement) - a donné des instructions formelles. » « Et vous vous y conformez, c’est votre devoir, monsieur. » « N’est-ce pas ? Nous ne connaissons pas « tout le monde » et … » «Vous nous preniez pour des espions ? » « Oh… Mais non ! Mais non ! Seulement… n’est-ce pas ? Nous… » « Mais si, allons ! Dites-le franchement. Vous nous preniez pour des espions !... « Eh bien… oui, na ! Nous pensions avoir affaire à quelques étrangers à la solde de l’Allemagne. Il y en a tant pour l’instant ! » « C’est vrai. Mais que pensez-vous que des espions viendraient faire par ici ? Déboulonner des rails de chemin-de-fer ? Il n’y en a point. Faire sauter les travaux d’art de Morvilliers ? Ce me paraît difficile. Alors ? » « C’est vrai… cependant… on n’a jamais pu savoir… et il faut être prudent. » « Vous avez raison M. Morineau. Vous ne voyez aucun inconvénient à ce que nous partions. » « Mais pas du tout. Messieurs je vous rends votre liberté ! »

    Et M. Morineau prononça ces dernières paroles sur un ton sentencieux.

    Enfin nous étions libres !

    Je mis le moteur en marche, le ronflement se fit entendre « en route pour Villepensier ! ».

    « Au revoir Messieurs ! » « Au revoir et sans rancune ! »

    Quelques minutes après nous étions chez M. Gentils, 1er adjoint de Villexanton, faisant fonction de maire. Toujours très aimable, il nous reçut avec une franche et spéciale hospitalité. Je tiens à le dire, M. Gentils n’a rien du Beauceron, froid et réservé ; c’est tout à son honneur. « Entrez-donc, messieurs, entrez-donc ! La patronne vous a préparé une bonne tasse de café bien chaud. » « Nous vous remercions et nous acceptons ; cela va « corser » notre maigre déjeuner. »

    La pièce où nous entrons - servant de cuisine - est remarquablement propre ; il s’en dégage une bonne odeur de ménage.

    Nous nous asseyons. Quels aimables gens !

    Un vieux serviteur - nommé Robillard - est là, puis un jeune ; tous les deux sont invités à prendre le café. Quel bel exemple de charité, et quelle marque de condescendance ! Je trouve cela très touchant. M. Nain explique le but de sa visite : pour la rentrée des grains, le battage, etc. M. Gentils donne de très bons renseignements sur la rentrée des récoltes en sa commune et assure que, dans peu de jours, des grains seront battus, prêts à être conduits aux moulins.

     

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    Machine à battre de Sambin, 1912.- Louis CLERGEAU.- 120 Fi 1007. SAMPP/AD41

     

    En prenant le café, M. et Mme Gentils nous parlent de leurs deux fils, tous jeunes, partis à la guerre. L’un - rentré dans ses foyers en septembre dernier - est à Nancy, l’autre est dans les mêmes parages ; tous deux à la défense de première attaque. Braves jeunes gens ! M. et Mme Gentils aiment visiblement leurs enfants, cependant pas un mot de reproche, pas une marque d’inquiétude. « Puisqu’il le fallait ! » Mme Gentils nous montre le portrait du plus jeune ; charmant cavalier, distingué et à l’air éveillé. Puis M. Gentils nous fait passer les vues d’un album de Nancy. La cathédrale, la place Stanislas, les principaux monuments défilent ainsi sous nos regards. « Et dire que les Prussiens vont bombarder tout cela ! » «  Qui sait M. Gentils ! Qui sait »

    Enfin nous nous levons pour partir.

    Comme M. Gentils manifeste le désir de nous accompagner chez l’entrepreneur de battage de Villexanton, je m’excuse de ne pouvoir l’emmener, n’ayant qu’une place. « Mais cela ne fait rien, nous irons bien à pied jusque là, avec M. nain ; c’est si peu loin… » Nous prenons alors congé de la bonne madame Gentils et je pars seul, en auto, tandis que M. Nain et M. Gentils viennent à pied, derrière moi.

    J’ai vite fait d’atteindre les premières maisons de Villexanton. Je m’arrête devant la mairie, et j’attends. Bien entendu le bruit du moteur fait sortir les gens de leurs demeures ; toujours la même question : une auto arrêtée à la porte de la mairie, ce doit être pour la guerre. Il y a aussitôt, là-bas, à l’intersection de la route, un rassemblement.

    Je me promène de long en large, en attendant. Une paysanne allant aux champs, coiffée par un mouchoir en pointe, s’arrête et me pose aussitôt des questions.

    « Vous venez donc voir le maire ? »

    «  Non. »

    « Il n’est pas là, il est à la guerre. »

    « Je le sais »

    « C’est donc le maître d’école, alors, que vous voulez voir ? »

    « Non »

    « Il n’est pas là, non plus, il est à la guerre. »

    « Je le sais. »

    « C’est-y donc, alors, que v’avez de mauvaises nouvelles à apporter. »

    « Nullement ! au contraire. »

    « Ah !... Ah ! Monsieur il n’y a plus personne au pays, tout le monde est parti. Il ne reste plus que les vieux et des pauvres femmes comme moi. J’avais deux garçons, y sont partis tous les deux, les pauvres enfants ! Ah monsieur je ne les reverrai jamais ! » Et elle se mit à éclater en sanglots. Pauvre femme !...

    Les larmes des femmes de France paieront la rançon expiatoire que nous devons à Dieu. Les hommes batailleront et les femmes pleureront.

    « Mais non, madame, vous les reverrez, ils reviendront. »

    « Oh non, monsieur, je le sais ils ne reviendront pas. Les pauvres enfants ! L’un est dans les dragons à Nancy et l’autre est à garder un pont… je ne sais plus où. L’aîné qui garde le pont nous écrivait hier et nous disait « Maman je voudrais bien être à la place de Louis, qui est à Nancy, lui va être au premier choc. » Et l’autre qui est à Nancy nous a écrit dimanche et nous a envoyé sa photographie « Maman et papa, qu’il nous dit, soyez sûr que je ferai mon devoir, je ne flancherai pas. »

    « Vous pouvez être fier de vos fils, Madame ! »

    « Ah oui… monsieur… j’en suis fière » me dit la pauvre femme toujours en sanglots ! « Mais ne plus les revoir !! Mes pauvres enfants !... En nous écrivant Henri nous dit : notre capitaine nous a réuni… il nous a dit « mes enfants ! J’ai trois fils… je les aime beaucoup mes fils… mais j’aime encore mieux la Patrie ! » « C’est vrai, madame ! Il faut aimer la Patrie par dessus tout, après Dieu ! »…

    Et la pauvre femme se mit à pleurer, me disant en s’éloignant « Ah ! Monsieur, vous avez dit vrai. Mon pauvre homme et moi nous en faisons le sacrifice. Mais qu’allons nous devenir ? Nous n’avions qu’eux ! Leur père est vieux, je suis déjà vieille ; les travaux des champs, les privations, ça nous vieillit avant l’âge ! Nous n’avions qu’un cheval on nous l’a pris à la réquisition, nous n’avons plus rien. Avec quoi rentrerons-nous nos récoltes ?... Ah ! Monsieur… oui j’aime la Patrie… mais mes pauvres enfants ! »

    La pauvre vieille et brave beauceronne s’éloigna, courbée sous la douleur.

    Comme il y avait de la grandeur d’âme dans cette humble femme des champs ! Accablée - chose naturelle - sous l’épreuve, elle se montrait grande et forte - sous l’étreinte du sacrifice. Telle la mère des Maccabées, tels les Maccabées !! Je me pris à penser à la beauté de l’âme des gens simples, et de la naïveté touchante qu’ils mettent à accepter les sacrifices quels qu’ils soient ? Pauvres gens !

    M. Nain et M. Gentils arrivèrent. Ils allèrent jusque chez l’entrepreneur de battage ; ils y restèrent quelques instants. M. Nain offrit à l’aimable M. Gentils une canette de bière au café voisin. Une jeune femme, un petit enfant sur les bras, nous servit. « Son mari est parti aussi » nous dit M. Gentils, en nous montrant la jeune cabaretière. « Pas de nouvelles Eudoxie ? » « Pas de nouvelles M. Gentils » et la jeune femme détourna la tête, cachant ses yeux rougis par les pleurs.

    Nous prîmes congé de M. le maire de Villexanton et filèrent sur Mulsans. Nous passâmes à Villefriou et à la Chapelle St Martin, sans nous arrêter.

    Dans les champs, les récoltes étaient en tas, très peu étaient rentrées.

    Mulsans, surmonté de sa superbe église dont la tour romane dominait la plaine, fut vite arrivé. J’arrêtais ma voiture devant la maison du maire[9] et je restais dans la rue à causer des événements avec un cultivateur du pays.

    « A Mulsans, tout va bien ! me dit M. Nain en revenant. Les récoltes vont se rentrer. Le batteur de Villerbon est déjà prévenu. Le maire est débrouillard. C’est parfait ! M. le maire de Mulsans vient de me dire que M. Vezin[10] est venu à Villerbon ce matin, donc nous n’avons pas à nous y arrêter. En route donc pour Blois ! »

    Après notre traversée de Villerbon - où nous constatons - sans nous arrêter - que les récoltes se rentrent nous mettons le cap sur Blois.

    Au passage à niveau de la ligne de Romorantin la barrière est fermée ; la garde-barrière vient, l’ouvre, nous passons. Au passage à niveau de la ligne de Paris, la barrière est également fermée mais - là - un long train de soldats, partant joyeux à la frontière, nous barre la route.

    Nous l’attendons à passer. Il vole vers la gloire ! Enfin je dépose M. Nain à la chaire d’agriculture. Comme je n’ai pas mon passeport j’entre avec M. Nain, mais M. Vezin est absent ; M. Nain se charge de s’en occuper le soir même.

    Je rentre donc rue Bertheau.

    Je réfléchis que j’ai encore le temps d’aller aux Montils chez M. le docteur Corby. Robert et moi, nous partons donc en auto par la Loire et Villelouet.

     

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    Chailles : Villelouet.- Entrée, route des Montils.- 6 Fi 32/11. AD41

     

    Mais en passant quai de Villebois-Mareuil un rassemblement attire mon attention. J’arrête ma voiture et nous descendons. C’est le tambour de ville qui lit un arrêté ministériel relatif à la police des villes et villages. J’en retiens ceci c’est que « personne ne pourra circuler d’une commune dans une autre sans sauf-conduit délivré par les maires ou les commissaires de police. »

    Comme je n’en ai pas - et -dit l’arrêté- qu’il faut être rentré avant 6 heures - je me hâte d’aller aux Montils. J’y reste une heure environ, Michelet, le maçon, jaloux de n’avoir pas fait le travail de ravalement des façades, en profite pour me dire, sur un ton dramatique qui lui va très mal, que Schwarzans était un espion, que tout le monde le dit aux Montils. Je le calme le mieux que je peux. « Tout le monde qui le dit ! », c’est lui. Enfin ! Toujours est-il que l’Autrichien a disparu et qu’il a laissé les travaux inachevés. Je prends des dispositions pour faire enlever les échafaudages et mettre la maison d’habitation à l’abri pour l’hiver. Abri de fortune que les nécessités obligent, et qui permettront d’attendre des temps meilleurs. Je reviens vite et quitte, à regret, le bon docteur et madame Corby qui sont si aimables et si bons. Nous revenons par l’allée délicieuse de la forêt.

    Après dîner nous allons par la ville voir les dépêches affichées à « l’Indépendant » et à la Préfecture. Nous apprenons ainsi qu’un croiseur allemand a bombardé Bône et Philippeville (en Algérie) causant peu de dégâts ; qu’un brave prêtre français, M. le curé de Moineville, petite paroisse de Meurthe-et-Moselle a été fusillé par les allemands pour avoir crié « Vive la France ! » sur la sommation qui lui était faite par les envahisseurs de crier « Vive l’Allemagne ! » ; que le gouvernement belge ayant refusé d’obéir (et pourquoi donc ?) à l’Allemagne, cette dernière s’est déchaînée sur la Belgique ; que l’Angleterre - enfin ! - a déclaré la guerre à l’Allemagne !

    Et voici la France, la Russie, la Belgique et l’Angleterre qui vont tomber - dru comme grêle - et à boulets rouges - sur la gent teutonique ! Vraiment l’instant ne pouvait être mieux choisi. Quelle rossée nous allons leur donner ! Ah oui !! Le président de la République fait paraître un message très patriotique et très français.

    Le président du Conseil, M. Viviani, fait un très bel appel à la population. Tous sont unis, dans un élan - il faut le dire inespéré.

    J’apprends que l’espion serbe, si malmené hier, n’était pas serbe ; c’était paraît-il - un grec, ingénieur, employé à l’usine électrique des Montils. Cela ne prouve pas que ce n’était pas un espion.

    Je rencontre le fils Miné qui - m’avait-il dit - devait partir - comme auxiliaire - pour l’état major de Nancy ; en fait il est encore à Blois et il me dit qu’il y a eu erreur sur son cas. Hum ! Jusque dans la nuit il y a, dans Blois, une vive et patriotique agitation.

    Les rues sont toutes éclairées - malgré la lune qui croît - et « la pompe à feu[11] » est illuminée et gardée militairement. Les airs sont percés du cri strident des trains militaires qui passent, en gare de Blois, tous les quarts d’heure. La ville est toute bleue de soldats ; il y en a - dit-on - près de 10 000. Le 113e, le 313e, et le 39e.

    Demain part le 113e pour la frontière. Quel beau spectacle ce sera !...

    [1] M. Nain.

    [2] M. Coffrant.

    [3] M. Eugène Gigot.

    [4] M. Isaïe Leroux.

    [5] M. Gaston Mestivier.

    [6] M. Auguste Bourreau.

    [7] M. Abel Gentils.

    [8] Commune de la Chapelle Saint-Martin

    [9] M. Rabier Athos.

    [10] Directeur départemental de la chaire d’agriculture.

    [11] Machine élévatoire des eaux.